DROIT ADMINISTRATIF
LE CONTENTIEUX DE LA DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS
Rédigé par :
MONFON YOUCHAWOU TOGNE
Chef de la Dynastie Nkouloun (MONFON NKOULOUN)
Juriste de formation de l’Université de Yaoundé II SOA
Consultant en Contentieux Administratif
Chercheur en Droit Administratif et Constitutionnel
Chercheur en Droits de l’Homme
Généraliste de Droit Public, Droit Privé et Science Politique
Conférencier (ès) Droits
Ecrivain Juridique
MESSAGE DE DEDICACE DE L’AUTEUR
I- AUX AUTORITES INVESTIES DU POUVOIR DE DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS AU PLAN CENTRAL
A Messieurs :
– Le Président de la République, Chef de l’Etat
– Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement
– Le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation
II- AUX AUTORITES INVESTIES DU POUVOIR DE DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS AU PLAN LOCAL
A Messieurs :
– Les Gouverneurs des provinces
– Les Préfets
– Les Sous-Préfets
– Les Chefs des Districts.
III- AUX AUTORITES TRADITIONNELLES
A Messieurs :
– Les Chefs Supérieurs de Premier Degré (1er degré)
– Les Chefs Supérieurs de Deuxième Degré (2e degré)
– Les Chefs de Troisième Degré (3e degré)
– Les Membres du Collège des Notabilités Coutumières
Cet Ouvrage Juridique de Droit Public portant sur le Contentieux de la désignation des Chefs Traditionnels, un chapitre fondamental et capital du Droit Public plus précisément du Droit Administratif (Contentieux Administratif) vous a été dédicacé par son auteur. Ledit ouvrage vous concerne, et vous deviez le lire attentivement chaque jour, car vous (Autorités investies du pouvoir de désignation des Chefs des Collectivités Coutumières au plan central, celles investies du pouvoir de désignation au plan local et les concernés qui sont les Chefs Traditionnels de premier Degré, deuxième Degré et troisième Degré, sans oublier les notabilités coutumières compétentes) êtes appelés à toute heure à statuer de par la législation sur les Chefferies Traditionnelles portant sur le contentieux de la désignation et de la destitution des Chefs Traditionnels. Ceux-ci doivent maîtriser par cœur tout chapitre, toute loi, tout ouvrage juridique, tout Arrêt de la Jurisprudence Administrative du Conseil d’Etat Français et de la Chambre Administrative de la Cour Suprême Camerounaise portant sur les Chefferies Traditionnelles pour pouvoir mieux appréhender l’évolution des institutions ancestrales et traditionnelles, des fonctions qui leur sont attribuées, et les différents litiges portant sur les instances traditionnelles camerounaises. La lecture juridique approfondie de cette oeuvre du Droit Public donnera la possibilité aux Juristes de Droit public (publicistes), aux juristes de Droit privé (privatistes), aux partisans de la Science Politique (politistes, politologues, politicologues), aux éminents et savants maîtres de conférences, professeurs Agrégés des Universités nationales et internationales, aux chargés de cours, aux chargés des cours assistants, aux moniteurs, aux universitaires confondus, aux Autorités Administratives investies du pouvoir de désignation et de destitution des Autorités Traditionnelles au niveau central et local, aux Chefs Traditionnels en question, aux lecteurs et à tous les citoyens camerounais et étrangers de comprendre pour tout dire ce qu’on entend par « CHEFFERIES TRADITIONNELLES ET SES PROBLEMES »
Pour d’autres informations concernant les Chefferies Traditionnelles, contacter l’auteur dudit ouvrage juridique au numéro 75 73 77 93 ou par E-mail monfon_1@yahoo.fr
Bonne Lecture à tous les lecteurs
– Auteur –
Les rédacteurs nationaux du Droit Public notamment du Droit Administratif et du Contentieux Administratif et les faiseurs des lois appelés de manière soutenue les législateurs ou encore les parlementaires (Députés) ne sont pas restés bouches fermées sur le contentieux de désignation des Chefs Traditionnels camerounais à savoir les Chefs de premier degré, de deuxième degré et celui de troisième degré. En Droit Public plus précisément en Droit Administratif, plusieurs ouvrages juridiques dans la discipline suscitée ont beaucoup insisté sur le véritable problème de désignation des Chefs Traditionnels et déterminent sa nature juridique si elle est un Acte Administratif unilatéral susceptible de tout recours pour excès de pouvoir devant une juridiction quelconque ou si elle est un Acte de Gouvernement in susceptible de tout recours contentieux. On verra dans les prochains paragraphes les différents Textes Administratifs et Réglementaires réglementant les Chefferies Traditionnelles du Cameroun. Ce sont : la Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels (a), la Loi n°80/31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels (b), du Décret n° 072/349 du 24 juillet 1972 portant organisation Administrative de la République Unie du Cameroun et ses modificatifs subséquents (c), du Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles, modifié et complété par le Décret n°82/241 du 24 Juin 1982 (d), du Décret n°2005/104 du 13 Avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (e), de l’Arrêté conjoint n°82/MINAT/DOT/MINFI/B fixant les taux de la prime d’efficacité à attribuer aux Chefs Traditionnels (f) et de l’Arrêté N°57/A/MINAT/MINFI du 26 Février 1983 fixant le taux d’allocation fixe à attribuer aux Chefs Traditionnels (g).
- a) Loi n° 79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels
Le législateur camerounais a été très curieux à travers nos institutions traditionnelles en votant un Acte Administratif législatif qu’est la Loi n° 79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels. En outre, cette loi détermine toutes mesures Administratives et adéquates adoptées pendant toutes contestations et précise clairement l’Autorité Administrative compétente à cet effet. Dans les prochaines lignes, j’étudierai plusieurs cas des contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels dans quatre (04) grands Arrêts de la jurisprudence Administrative de la Cour Suprême Camerounaise.
- b) Loi n°80/31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels
Le législateur (faiseur des lois) camerounais de par les dispositions juridiques de la loi sus-évoquée n’a pas manqué de montrer sa position vis-à-vis des juridictions des Affaires relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels. Ladite loi dessaisie toutes les juridictions notamment celles Administratives et Judiciaires de connaître tout contentieux relatif à la désignation d’un Chef Traditionnel de premier, deuxième et troisième degré. Quelle instance sera compétente en la matière ? Est-ce une autre juridiction en dehors de celles énumérées plus haut ? Est-ce l’Autorité investie du pouvoir de désignation ?
L’Autorité investie du pouvoir de désignation est compétente en premier et en dernier ressort. Toutes les contestations sont portées devant elle de par le Loi n° 79/17 du 30 juin 1979 (Article 1er). L’étude approfondie dans les paragraphes suivants des quatre (04) grands Arrêts de la Cour Suprême camerounaise sera la réponse aux questionnaires juridiques et traditionnels susmentionnés.
- c) Décret n° 72/349 du 24 juillet 1972 portant organisation Administrative de la République Unie du Cameroun et ses modificatifs subséquents
Pour une meilleure organisation des Chefferies Traditionnelles, le Président de la République de par son Acte juridique intitulé Décret présidentiel organise Administrativement la République Unie du Cameroun appelée aujourd’hui REPUBLIQUE DU CAMEROUN. Dans le calendrier de cette organisation, il y a : les provinces constituées de plusieurs départements, les départements structurés de plusieurs Arrondissements et ceux-ci composés de plusieurs districts pour certains. A l’intérieur de ces unités Administratives sont localisées les Chefferies Supérieures de premier degré et à l’intérieur de ces dernières se trouvent les Chefferies Supérieures de deuxième degré appelées encore GROUPEMENT. Et à l’intérieur de ceux-ci se trouvent les Chefferies de troisième degré (village). Dans les phrases qui suivent, je citerai certaines Chefferies Traditionnelles dont les populations ont contesté à la désignation de leurs Chefs. Tout ceci dans les grandes Décisions juridictionnelles de la Cour Suprême en matière de désignation des détenteurs du Pouvoir Traditionnel. Ces Décisions seront commentées dans une partie de ce devoir juridique.
- d) Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles, modifié et complété par le Décret n°82/241 du 24 Juin 1982
L’Acte Administratif et Juridique du Chef de l’Etat sus-mentionné n’a pas été édicté de manière hasardeuse. Son principal objectif était le découpage des Institutions Traditionnelles et la spécification des attributions de l’Autorité Administrative investie du pouvoir de désignation en matière contentieuse. En ce qui concerne le découpage des Institutions Traditionnelles et Ancestrales, elles sont au nombre de trois : les Chefferies de premier degré, les Chefferies de deuxième degré et les Chefferies de troisième degré. Pour les attributions de l’Autorité Administrative investie du pouvoir de désignation, elles sont multiples. Il faut retenir que l’Autorité évoquée est compétente dans le champs contentieux.
- e) Décret n°2005/104 du 13 Avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation
Par Acte du Chef de l’Etat, encore appelé Décret, l’Autorité Administrative nationale et suprême organise le Gouvernement. De par le même Acte juridique, il organise et détermine les attributions de chaque département ministériel. Tel a été le cas dans le Décret du Chef de l’Etat ci-dessus portant organisation du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation compétent à travers la DIRECTION DEL’ORGANISATION DU TERRITOIRE et d’autres structures compétentes en la matière pour résoudre tout litige concernant les Chefferies Traditionnelles nationales. Aucun Chef Traditionnel ne peut être homologué par Arrêté du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation et celui du Premier Ministre, sans oublier celui homologué par Décret du Président de la République sans que son dossier Administratif complet ne soit bien étudié par la Direction de l’Organisation du Territoire. Cette Direction du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation est dirigée par un haut fonctionnaire choisi parmi les Administrateurs civils et les Secrétaire d’Administration nommé par Décret du Chef de l’Etat ou celui du Premier Ministre Chef du Gouvernement après approbation du Président de la République. En dehors de ces hauts fonctionnaires énumérés, d’autres qualités des fonctionnaires peuvent être nommés à la tête de la Direction de l’Organisation du Territoire. Mais, le drame est que ces derniers ne seront pas outillés pour connaître les litiges des Chefferies Traditionnelles comme les Administrateurs Civils et les Secrétaires d’Administration compétents en Droit Public plus particulièrement en Droit Administratif (Contentieux Administratif).
- f) Arrêté conjoint n°82/MINAT/DOT/MINFI/B fixant les taux de la prime d’efficacité à attribuer aux Chefs Traditionnels
L’importance capitale des attributions des Chefs des Institutions Ancestrales et Traditionnelles n’est pas à chercher. Tout Chef Traditionnel compétent exerçant efficacement ses fonctions traditionnelles peut bénéficier de ce qu’on appelle « prime d’efficacité ». Ce n’est pas pour rien que l’Arrêté conjoint n° 82/MINAT/DOT/MINFI/B fixant les taux de la prime d’efficacité à attribuer aux Chefs Traditionnels a été édicté en 1982 plus précisément le 5 décembre de la même année. Deux Membres du Gouvernement de la République (Ministres) étaient concernés par l’Arrêté sus-évoqué. C’étaient le Ministre de l’Administration Territoriale (MINAT) appelé aujourd’hui Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD) et le Ministre des Finances (MINFI) qui après 1982 portait le nom du Ministre de l’Economie et des Finances (MINEFI) et devient plus tard par Décret n°2007/268 du 07 septembre 2007 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret n°2004/320 du 08 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement Ministre des Finances (MINFI) comme à l’époque de la signature de l’Arrêté conjoint fixant les taux de la prime d’efficacité à attribuer aux Chefs Traditionnels. L’Article premier dudit Arrêté conjoint disposait : « Les taux des primes d’efficacité pouvant être attribuées aux Chefs Traditionnels de premier, deuxième et troisième degré son fixés comme suit :
– Première catégorie 100 000 francs
– Deuxième catégorie 75 000 francs
– Troisième catégorie 50 000 francs
– Quatrième catégorie 25 000 francs »
A mon avis, je ne sais pas si cet Article de l’Arrêté conjoint, tout comme l’Arrêté conjoint lui-même a déjà fait l’objet d’une abrogation par d’autres Arrêtés dans le domaine. Sinon, est-ce que l’Arrêté conjoint sus-indiqué est normalement et loyalement respecté par le Gouvernement actuel ? Puisque certains Chefs Traditionnels, surtout ceux de troisième degré qu’on appelle en langage courant les « Chefs des villages », pour le moment ne sont pas motivés financièrement. Il faut a tout prix que le Gouvernement Camerounais fournisse tous les efforts favorables et propices pour l’amélioration des conditions de vie financière des Chefs Traditionnels de troisième degré « Chefs des villages ». Tout Chef Traditionnel est un auxiliaire d’Administration et porte secours à l’Administration dans l’accomplissement de ses lourdes missions.
- g) l’Arrêté N°57/A/MINAT/MINFI du 26 Février 1983 fixant le taux d’allocation fixe à attribuer aux Chefs Traditionnels
L’Arrêté édicté par le Chef du département ministériel en charge de l’Administration Territoriale à l’époque, en parfaite collaboration avec le Ministre chargé des finances avait fixé le taux d’allocation fixe à attribuer aux Chefs Traditionnels. Ces détenteurs des Institutions Traditionnelles considérés comme les auxiliaires d’Administration doivent normalement bénéficier des Allocations précisées par l’Acte Administratif ministériel sus-évoqué. Ces allocations vont les permettre de survivre et de bien travailler en pleine collaboration avec l’Administration. La détermination et la spécification de ce taux d’allocation seront vues dans les dispositions juridiques de l’Arrêté ci-dessous qui sera reproduit intégralement dans nos prochaines parties de ce brillant travail juridique. Il est fondamental de répondre à ces questions très capitales et pertinentes : Pourquoi, pour le moment, les Chefs Traditionnels de troisième degré (Chefs de villages) ne bénéficient pas des allocations prévues par l’Arrêté suscité ? Pourquoi ledit Arrêté parle seulement du taux d’allocation fixe à attribuer aux Chefs Traditionnels des premier et deuxième degrés ? Où sont les allocations des Chefs de villages considérés aussi comme des Chefs Traditionnels ? Seul le Gouvernement de la République peut apporter des réponses exactes et claires à ce questionnaire. Quant on parle de Chefs Traditionnels, il n’est pas normal de faire une distinction.
Après avoir acheminé avec les brefs détails sur les Actes Administratifs législatifs et réglementaires portant sur les Chefferies Traditionnelles Camerounaises, j’étudierai la « nature juridique » des Actes portant désignation des Chefs Traditionnels s’ils sont des « Actes Administratifs unilatéraux » susceptibles de tout recours pour excès de pouvoir devant une juridiction quelconque (Première Partie) ou s’ils sont des « Actes de Gouvernement » in susceptibles de tout recours contentieux (Deuxième Partie), en plus le cas de destitution des Chefs Traditionnels (Troisième Partie).
PREMIERE PARTIE
LA DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS : SIMPLE ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL
Nul n’est sensé ignorer que les Actes portant désignation des Chefs Traditionnels sont des Actes de Gouvernement qui échappent de tout contrôle juridictionnel. Tel n’a pas été le cas pour le Juge Administratif de la Chambre Administrative de la Cour Suprême camerounaise face aux contentieux liant KOUANG Guillaume Charles contre/ Etat du Cameroun et ESSOMBA Marc Antoine contre/ Etat du Cameroun, tous portant sur le contentieux de la désignation des Chefs Traditionnels. Dans ces deux grands contentieux, le Juge Administratif avait qualifié les Actes portant désignation des Chefs Traditionnels des simples Actes Administratifs susceptibles de tout recours pour excès de pouvoir. Raison pour laquelle il avait déclaré sa compétence. Exemple : voir les Affaires contentieuses suivantes : KOUANG Guillaume Charles (I) et ESSOMBA Marc Antoine (II)
- AFFAIRE KOUANG GUILLAUME CHARLES CONTRE/ ETAT DU CAMEROUN : Jugement ADD N° 66/CS/CA, 78-79 du 31 Mai 1979
A- Commentaire juridique contentieux
A la suite du décès constaté le 17 octobre 1976 de LINGOM KOUANG Albert, Chef du Village SONG-BASSONG de l’Arrondissement BASSA D’ESÉKA, la vacance du poste à pourvoir à la Chefferie est ouverte et met en compétition le fils du Chef défunt KOUANG LINGOM Albert contre l’un des frères du de cujus KOUANG Guillaume, le requérant. Le scrutin organisé le 28 Mars 1977 consacre l’élection de KOUANG LINGOM Albert par 27 voix contre 10 à son adversaire, KOUANG Guillaume. Un Arrêté n° 285/AP/DNE/BR/E2 du Préfet du NYONG-ET-KELLE en date du 15 Novembre 1977 viendra entériner ces résultats en désignant KOUANG LINGOM Albert comme nouveau Chef du Village susvisé. Intimement convaincu du caractère irrégulier du scrutin, KOUANG Guillaume candidat malheureux saisit la Chambre Administrative de la Cour Suprême par requête en date du 03 Juin 1978, enregistrée au greffe de ladite chambre sous le n° 465 du même jour, à l’effet de faire annuler tant l’Arrêté Préfectoral n°285/AP/DNE/BR/E2 du 15 Novembre 1977 que celui RECTIFICATIF N° 13/RA/DNE/BR/2 du 20 Janvier 1978 au motif que 73 Notables avaient été injustement écartés par une fraction partisane du jury (le requérant estime en effet que le Sous-Préfet d’ESÉKA, président du jury avait été supplanté dans sa tâche par les responsables de l’UNC et de l’OFUNC – Union Nationale Camerounaise, ex-parti unique et son démembrement féminin de l’organisation des femmes lesquels faisaient également partie du jury de désignation du Chef) alors mêmes que ces derniers l’avaient investi par procès-verbal signé par les Membres du Conseil de famille détentrice de la Chefferie concernée.
En défense, le représentant de l’Etat soutient au principal dans ses écritures des 1er Septembre, 20 Octobre, 22 Novembre et 08 Décembre 1978 l’exception d’incompétence de la Chambre Administrative de la Cour Suprême au motif que l’Acte de désignation du Chef Traditionnel n’est rien d’autre qu’un « ACTE DE GOUVERNEMENT » bénéficiant d’une totale immunité juridictionnelle de par l’article 9 Alinéa 5 de l’Ordonnance n° 72/6 du 26 Août 1972 portant organisation de la Cour Suprême, lequel Article fonde les dispositions du Décret n° 77/245 du 15 Juillet 1977 dont l’Article 16 dispose que « seule l’Autorité investie du pouvoir de désignation se prononce en premier et dernier ressort. »
Le Juge Administratif réfute cependant l’exception d’incompétence soulevée. Il déclare recevable le recours de KOUANG Guillaume car la Décision sanctionnant la désignation du chef demeure à ses yeux un SIMPLE ACTE ADMINISTRATIF. Ce jugement de recevabilité est synonyme de compétence juridictionnelle. Bien plus, le Juge précise que l’on parlera « d’ACTE DE GOUVERNEMENT lorsque la réclamation tient à une question politique dont la Décision appartient exclusivement au GOUVERNEMENT ». La Décision contestée dans la présente espèce n’émane manifestement pas d’une Autorité Gouvernementale. D’où une absence totale de connexion avec ce que l’on appelle « ACTE DE GOUVERNEMENT ». Enfin, conclut le Juge Administratif, c’est « la matière à laquelle ils sont relatifs qui déterminent les Actes de Gouvernement. Ainsi les Actes qui ont trait aux rapports du Gouvernement avec le Parlement et ceux à caractère international ou diplomatique c’est-à-dire qui intéresse les rapports du Gouvernement Camerounais avec l’étranger ne peuvent faire l’objet d’un débat par la voie contentieuse. Ces Actes échappent à la compétence de toute juridiction ». Cette solution indubitablement inspiré par les formules du juge français venait ainsi consacrer la transposition par la jurisprudence nationale du principe des Actes de Gouvernement dans le Droit positif camerounais. L’amorce de la théorie devait du reste être corroborée, six mois plus tard dans un litige similaire ESSOMBA Marc Antoine (II)
- AFFAIRE ESSOMBA MARC ANTOINE CONTRE/ ETAT DU CAMEROUN : Jugement n° 7/CS/CA-79-80 du 29 Novembre 1979
A- COMMENTAIRE JURIDIQUE CONTENTIEUX
Les faits de l’espèces sont les suivants :
Suite au décès, le 17 Décembre 1972 de ESSOMBA NSEGUE Marc Antoine, Chef de Groupement MVOG FOUDA MBALLA, une consultation et organisée le 24 Mars 1976 sous la présidence du Préfet de la MEFOU afin de pallier la vacance de l’institution ancestrale. A l’issue de ladite consultation, Monsieur TSOUNGUI ESSOMBA Joseph est désigné Chef de Groupement MVOG FOUDA MBALLA. Cette désignation est homologuée par un Arrêté n°84/A/MINAT/DOT du 25 Mai 1977 du Ministre d’Etat chargé de l’Administration Territoriale.
C’est cet Arrêté ministériel que conteste le planteur de NKONGNTSAM par requête en date du 27 Septembre 1977 enregistrée le lendemain au greffe de la Chambre Administrative sous le n°578 pour excès de pouvoir.
A l’appui de son recours en annulation, le requérant en sa qualité de descendant direct du défunt Chef, estime avoir été injustement écarté de la consultation ayant abouti à la désignation du chef. Le requérant estime en effet, d’une part, que le Chef désigné ne descend pas de la famille MVOG SENGUE du Groupement MVOG FOUDA MBALLA, mais plutôt de la famille MVOG NGA BARGA du même Groupement. D’autre part, le Préfet chargé d’organiser la procédure de désignation du Chef avait purement et simplement écarté sa candidature en le traitant d’aliéné mental et à fait pression sur les notables afin que ceux-ci portent leur choix sur le candidat TSOUNGUI Joseph.
En réplique aux griefs du requérant, le représentant de l’Etat conclut à l’incompétence de la Cour, l’Acte attaqué constituant un « ACTE DE GOUVERNEMENT« .
Pour le Juge Administratif, l’Acte mis en cause « n’est qu’un simple Acte Administratif pris dans le cadre des attributions dévolues à l’Autorité investie du pouvoir de désignation ; qu’il s’en suit que la Cour Suprême est compétente à connaître du présent recours ». Et de réitérer comme il l’avait fait six mois auparavant que « l’on parle d’ACTE DE GOUVERNEMENT lorsque la réclamation porte sur question politique dont la décision appartient exclusivement au Gouvernement ».
Qu’il s’agit, schématiquement, des Actes qui ont trait aux rapports du Gouvernement avec le Parlement et ceux à caractère international ou diplomatique.
En conclusion, c’est dans les Affaires MONKAM NTIENCHEU DAVID et NGOONG MANDENG Christophe que le Juge Administratif déclare l’irrecevabilité de la requête contentieuse en matière d’Acte portant désignation des Chefs Traditionnels en disant que de tels Actes étaient des Actes de Gouvernement dont aucun tribunal, aucune Cour ne peut connaître des contestations ou du contentieux sauf l’Autorité investie du pouvoir de désignation : d’où la notion juridique D’ACTE DE GOUVERNEMENT (DEUXIEME PARTIE)
DEUXIEME PARTIE
LA DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS : ACTE DE GOUVERNEMENT
Tout Acte portant désignation d’un Chef Traditionnel ne peut faire l’objet d’un débat par la voie contentieuse : c’est un ACTE DE GOUVERNEMENT. Aucune Cour, aucun Tribunal ne peut connaître de la conformité d’un Acte de Gouvernement. Telle a été la même interprétation dans l’Ordonnance n° 72/6 du 26 Août 1972 portant organisation de la Cour Suprême. Le Juge des Affaires contentieuses KOUANG Guillaume Charles et ESSOMBA Marc Antoine contre/ Etat du Cameroun n’avait pas octroyé de l’importance à la notion juridique D’ACTE DE GOUVERNEMENT, car pour lui, les Actes portant désignation des Chefs Traditionnels étaient des SIMPLES ACTES ADMINISTRATIFS susceptibles de tout recours contentieux. Sont considérés comme Actes de Gouvernement de par le juge des Affaires des Chefferies Traditionnelles KOUANG Guillaume Charles et ESSOMBA Marc Antoine : « lorsque la réclamation tient à une question politique dont la Décision appartient exclusivement au GOUVERNEMENT ». Plus tard, les affaires contentieuses MONKAM TIENCHEU DAVID et NGOONG MANDENG Christophe ont donné l’occasion au Juge Administratif de déclarer son incompétence au profit de l’Autorité investie du pouvoir de désignation en disant que les Actes portant désignation des Chefs Traditionnels ne seront plus considérés comme des simples Actes Administratifs susceptibles de tout recours pour excès de pouvoir devant une formation juridictionnelle, si oui plutôt des Actes de Gouvernement dont aucune juridiction ne peut connaître du contentieux.
I- AFFAIRE MONKAM TIENCHEU DAVID CONTRE/ ETAT DU CAMEROUN : Jugement n° 40/CS/CA/79-80 du 29 Mai 1980
A- Commentaire juridique contentieux
Le litige opposant l’Etat du Cameroun à MONKAM TIENCHEU DAVID et portant sur le classique problème de désignation des Chefs Traditionnels constituera alors l’occasion de raffermir l’unité des conceptions de la jurisprudence Administrative en matière d’Acte de Gouvernement.
Dans une sphère géographique Bamiléké où l’institution de la Chefferie Traditionnelle demeure encore fortement ancrée dans ses fondements sociologiques, c’est encore une Décision Ministérielle qui sera à l’origine du débat contentieux. Par Arrêté n°57/A/MINAT/DOT du 05 Avril 1978, le Ministre d’Etat chargé de l’Administration Territoriale désigne Monsieur POKAM NITCHEU GABRIEL OLIVIER, âgé de 10 ans, comme Chef de Groupement BANKA dans l’arrondissement de BAFANG. Par requête écrite en date du 15 Décembre 1978, enregistrée le même jour au greffe de la Chambre Administrative sous le n°199, le sieur MONKAM TIENTCHEU DAVID, fils du Chef défunt, agissant tant en son nom que pour le compte des autres enfants du de cujus, demande l’annulation de l’Arrêté Ministériel sus-évoqué. Les motifs invoqués sont relatifs à des irrégularités formelles et procédurales entachant la Décision du Ministre. Au surplus, le Chef désigné ne remplit pas les conditions requises par la coutume Bamiléké pour exercer ses fonctions, en ce sens qu’il a été désapprouvé par l’énorme majorité de la population BANKA.
Dans son mémoire en défense du 23 janvier 1979 adressé au greffe de la juridiction, le représentant de l’Etat conclut à l’irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité du requérant, lequel ne fournit aucune justification de son titre de représentant en la cause des autres enfants. Fidèle à sa stratégie contentieuse, la défense des intérêts de l’Etat en justice soutient en plus que l’Acte de désignation d’un Chef Traditionnel est un ACTE DE GOUVERNEMENT in susceptible de donner lieu à un contrôle juridictionnel conformément à l’Article 9 de l’ORDONNANCE N°72/6 du 26 Août 1972. La désignation de POKAM NITCHEU GABRIEL OLIVIER rentre-t-elle dans la catégorie des ACTES DE GOUVERNEMENT ?
La réponse du Juge est négative. En effet, tout en rappelant ses propres jugements n°66/ADD/CS/CA/78-79 KOUANG GUILLAUME CHARLES et N° 7/CS/CA/79-80 ESSOMBA MARC ANTOINE des 31 Mai et 29 Novembre 1979, la Chambre Administrative se déclare compétente en l’espèce au motif que l’Acte litigieux n’est qu’un SIMPLE ACTE ADMINISTRATIF. C’est finalement l’ensemble de ces Décisions de Justice Administrative qui fonde la réception de la théorie juridique française des « ACTES DE GOUVERNEMENT ». Une fois acquise, ladite théorie s’impose tant à l’égard des Administrés qu’à l’adresse de la Puissance Publique en raison du sacro-saint principe de l’Autorité de « CHOSE JUGEE« .
Par ailleurs, dans la chronologie des faits, la cascade de déboires contentieux essuyés par l’Etat au travers de la jurisprudence Administrative KOUANG GUILLAUME CHARLES, ESSOMBA MARC ANTOINE et MONKAM TIENTCHEU DAVID conduit sans doute l’Administration à en découdre définitivement contre les justiciables hargneux qui se permettent d’entraver la mise en place de ses relais territoriaux.
Dès la fin du premier semestre de 1972, une loi met fin au contrôle juridictionnel des Actes de désignation des Chefs Traditionnels : c’est la Loi n°79/17 du 30 Juin 1979. Aux termes de son Article 1er, « il est fixé que « par dérogation de l’Article 9 de l’Ordonnance n°72/6 du 26 Août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême, les contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels sont portées devant l’Autorité investie du pouvoir de désignation (l’Autorité peut être le Chef de District, le Sous-Préfet, le Préfet, le Gouverneur de Province au niveau local, le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, le Premier Ministre et le Président de la République au niveau central) qui se prononce en premier et en dernier ressort. » (Article 1er de la Loi de 1979 à son Alinéa 1). L’Alinéa 2 de l’Article 1er susvisé renforce l’exclusivisme de l’Autorité Administrative en ce sens que « la Décision prise peut être rapportée par l’Autorité compétente si celle-ci estime qu’elle a été induite en erreur. »
A l’adresse de la juridiction Administrative qui s’était auparavant reconnue compétente en matière du contentieux des Actes de désignation des Chefs Traditionnels, motif pris de ce que lesdits Actes n’étaient que des SIMPLES DECISIONS ADMINISTRATIVES susceptibles de recours en annulation pour excès de pouvoir, la Loi n°80/31 du 27 Novembre 1980 dessaisissant les juridictions des Affaires relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels vient conforter la précédente. L’Article 1er dispose en effet : « les juridictions de Droit commun et de l’Ordre Administratif sont dessaisies d’office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels ». L’Article 2 conclut enfin que « ces affaires seront réglées conformément aux dispositions de la Loi du 30 Juin 1979, lesquelles font de l’Autorité investie du pouvoir de désignation l’instance exclusive du règlement des litiges afférents« .
La combinaison de ces normes législatives implique que les recours en annulation des Actes Administratifs désignant les Autorités Coutumières ou ceux en réparation ne peuvent plus être réglés par le juge, que celui-ci relève de l’Ordre Judiciaire ou de l’Ordre Administratif.
Le problème fondamental qui se pose consiste à éclaircir le sort réservé aux Actes Administratifs de désignation des Autorités Coutumières face à un tel verrouillage législatif : Y-a-t-il lieu de les rapprocher des ACTES DE GOUVERNEMENT COURANTS ?
Avant ces lois, et donc jusqu’à la Décision MONKAMTIENTCHEU DAVID, le Juge Administratif s’est toujours prononcé en faveur de la recevabilité d’une requête contentieuse relative à l’Acte de désignation de l’Autorité Traditionnelle et de l’examen au fond du litige.
Maintenant, sur la portée précise des dispositions de la Loi du 27 Novembre1980, il convient de dire que telle qu’elle se présente, cette loi ne concerne que les cas soumis au Juge avant son entrée en vigueur, car seules sont évidemment visées « toutes les affaires pendantes » devant les juridictions. Il est exactement question des contestations en cours de jugement auprès du Juge Administratif jusqu’à la Loi concernée. Telle est la véritable interprétation à donner à la Loi n°80/31 du 27 Novembre 1980. En conséquence, les Actes Administratifs portant désignation des Chefs Traditionnels sont soumis au juge sous l’empire de la Loi susvisée peuvent être assimilés aux ACTES DE GOUVERNEMENT dans la mesure où le législateur les prive de tout examen juridictionnel.
En revanche, lorsque la loi du 27 novembre 1980 dispose que toutes les juridictions « sont dessaisies d’office de toutes les affaires pendantes devant elles, et relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels« , cela sous-entend qu’une contestation future n’est guère concernée. Reste à savoir si le Juge Administratif adhère à cette interprétation, celle qui veut que les Actes de désignation des Chefs Traditionnels à lui déférés postérieurement à la Loi du 27 Novembre 1980 puissent être valablement examinés s’ils répondent par exemple à l’un des cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir prévus à l’Article 9 de l’Ordonnance du 26 Août 1972.
II- AFFAIRE NGOONG MANDENG CHRISTOPHE CONTRE/ ETAT DU CAMEROUN : Jugement n° 60/CS/CA/85-86 du 15 mai 1986.
A- Commentaire juridique contentieux
Déclenchée en 1983 grâce à l’intrépidité d’un justiciable sans doute déterminé à tempérer l’effet intimidateur des lois de 1979 et 1980 susmentionnées, donne à la Juridiction Administrative l’occasion de se prononcer un jugement n°60/CS/CA/85-86 du 15 Mai 1986, NGOONG MANDENG Christophe contre/ Etat du Cameroun.
Le requérant saisit la Chambre Administrative de la Cour Suprême aux fins d’annulation de l’Arrêté n°116/AP/AOS/BRP du 22 juin 1983 du Préfet du Nyong-et-Kellé portant désignation de Monsieur NYOBE Maurice en qualité de Chef de Village de NANOYO I.
Le juge se déclare incompétent au motif que « la loi n°79/17 du 30 juin 1979 dispose que par dérogation à l’Article 9 de l’Ordonnance n°72/6 du 26 Août 1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême, les contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels sont portées devant l’Autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et dernier ressort. » Ce même juge achève tout en rappelant que la Loi du 27 novembre 1980 dessaisie d’office les juridictions de l’Ordre Administratif et de Droit commun. (NB. : l’Autorité investie du pouvoir de désignation évoquée dans les précédentes phrases au plan local peut être le Chef de District, l’Autorité Sous-préfectorale « Sous-Préfet« , l’Autorité Préfectorale « Préfet« , et l’Autorité Gouvernatoriale « Gouverneur« . Au plan central, il y a l’Autorité Ministérielle « Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation« , le Chef du Gouvernement « Premier Ministre » et l’Autorité Présidentielle « Président de la République« ).
A titre exceptionnel, il est fondamental pour moi de parler du contentieux de la désignation des Chefs Traditionnels qui n’a pas fait l’objet d’un transfert devant une juridiction pour examen juridictionnel : C’est l’affaire Chefs Traditionnels Canton Bassa contre/ Préfet du Wouri (III).
III- AFFAIRE CHEFS TRADITIONNELS CANTON BASSA CONTRE/ PREFET DU WOURI
A- Commentaire juridique (cf. presse privée nationale Messager n°2483 du mercredi 24 octobre 2007 : Mathieu Nathanaël NJOG)
Le Préfet du Département du Wouri, Monsieur Bernard ATEBEDE est accusé de concussion dans la désignation du Chef Supérieur du Canton Bassa. Il monte au créneau et dénonce. La renaissance de la Chefferie du Canton Bassa en questions. Pour plus de détails et d’éclaircissements, les Chefs du Canton Bassa menacés par le Préfet du Wouri (1), une tradition des successions controversées (2) et débat autour d’une lignée régnante (3).
1) Les chefs du canton Bassa menacés par le Préfet du Wouri
Dans une correspondance datée du 9 octobre, Bernard ATEBEDE donne huit jours aux Chefs de Villages Bassa, afin qu’ils apportent la preuve de leurs accusations. Sinon de faire amende honorable des « mensonges » susceptibles de porter « atteintes à son honorabilité voire sa carrière administrative. » En effet, le préfet du département du Wouri est remonté après les Chefs de 3e degré du canton Bassa du Wouri. « Je vous mets au défi de m’en apporter les preuves tangibles sous-huitaine, ou alors d’adresser aux principaux destinataires, voire à tous les ampliataires de votre lettre, une correspondance légalisée et enregistrée dans laquelle vous reconnaissez votre mensonge en me lavant de tout soupçon, faute pour vous de vous justifier« , écrit Bernard ATEBEDE. Les Chefs des Villages Bassa n’ont pas répondu à cette injonction du Préfet du Wouri, plus de deux semaines après.
Malgré les menaces contenues dans cette lettre, des Chefs des Villages du canton Bassa de Douala sont de marbre. Le Chef de Terre n’exclut pourtant pas la piste de la justice. « Dans le cas contraire, je me verrai dans la triste obligation au cas où ma hiérarchie accédait à ma sollicitation déjà effective dans ce sens, de me constituer à travers un avocat partie civile et vous traduire par devant les tribunaux aux fins de répondre chacun en ce qui le concerne de vos propos malencontreux, malveillants et pleins d’affabulation à mon endroit« . Les Chefs du canton Bassa de Douala souhaitent que cette affaire soit portée devant les tribunaux. « Ce serait aussi l’occasion de mettre à nu les manœuvres du Préfet, notamment de dévoiler la véracité de ce vrai-faux procès de désignation que nous n’avons pas signé et s’il existait vraiment ne porterait que nos signatures falsifiées« , affirment les Chefs Bassa en réunion de concertation.
Mobilisation
L’Arrêté du Premier Ministre du 31 juillet 2007, homologuant la désignation de Sa Majesté Mbody Epée Gaston, comme Chef Supérieur du canton Bassa du Wouri, a provoqué une mobilisation des Chefs des Villages, Élites et Familles de cette aire géographique. Ils envisagent installer leur Chef Supérieur pour protester et contester ce choix « en violation du décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles« . Dans cette mobilisation, plusieurs actions sont menées. Notamment une kyrielle de lettres ont été adressées à la Présidence de la République, au Premier Ministre et au Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation. Dans chacune d’elles, à l’instar de celle incriminée datée du 28 septembre 2007, les chefs des villages du Canton Bassa mettent à l’index le Préfet Bernard ATEBEDE. Ils l’accusent d’avoir induit le Premier Ministre en erreur. Faux, rétorque le Préfet. « Non seulement vous vous êtes permis de porter des accusations contre moi, plus grave vous avez poussé votre outrecuidance, allant jusqu’à affirmer que j’aurais reçu en compensation selon vous pour services rendus, une Mercedes et un immeuble non bâti de 1000m² qui se situerait à Nyalla« , dénonce Bernard ATEBEDE.
En marge de cette correspondance, les Chefs destinataires dénoncent les menaces de destitution et même de mort dont le Préfet leur aurait adressé à travers des appels téléphoniques.
Toutefois, les différentes correspondances auraient trouvé écho auprès des Autorités Supérieures. Une mission conduite par Jules Doret NDONGO, le Secrétaire Général des Services du Premier Ministre, aurait séjourné à Douala les 12 et 13 octobre 2007. Le but était de rencontrer les élites et certains notabilités, dans l’espoir de trouver une porte de sortie et de faire appliquer l’Arrêté du Premier Ministre du 31 juillet dernier, dit-on.
2) Une tradition des successions controversées
Les Bassas sont les premiers habitants du Wouri. Difficile de dire avec exactitude la date de leur arrivée sur les rives du Wouri. L’histoire fait d’eux des populations hospitalières. C’est eux qui ont accueilli et installé les premiers pêcheurs Duala. Seulement les versions divergent lorsqu’il faut expliquer comment les Bassas ont été repoussés de la rive vers l’intérieur de la ville. Installation actuelle. Du moins, la reconnaissance que la communauté Duala leur voue témoigne de la position qu’ils détiennent dans le processus des rites sacrés du Ngondo. Le canton Bassa abrite la tête de l’affluent du Wouri, à Sapé par le village Lendi. D’où part la traversée vers le Mbagna, lieu sacré du Ngondo. Certains chercheurs Duala parlent des Bassas comme étant les ancêtres des Duala. « Tous les Sawa sont originaires de Ngok Lituba d’où ils sont partis pour se disperser sur toute la côte« , indique un chercheur. Avec l’arrivée des premiers explorateurs européens et la mise du Cameroun sous protectorat Allemand, l’occupation géographique va les desservir pour faire des communautés Duala (Njo-Njo, Akwa, Deido) des interlocuteurs « indigènes » auprès des Allemands. Les communautés Duala en profitent pour asseoir leur puissance. Les communautés Duala auront l’avantage de leur meilleure organisation avec un pouvoir monarchique concentré autour d’un Chef Supérieur.
En revanche, les Bassas n’ont pas d’organisation solide. Le pouvoir est disparate et repose sur les différentes cellules nucléaires familiales. Il faut attendre 1919, lorsque l’Administration Européenne dans le but de fragiliser le pouvoir des King Sawa exige la mise en place d’une Chefferie Supérieure dans le canton Bassa du Wouri. » Sur recommandation de SCHASLAS, Chef de Subdivision, il est institué de nouveau la Chefferie des Bassas« , a-t-on appris. Le grand conseil est réuni au village Beedi et élit Sa Majesté NJOG LEMBE, du foyer NJOG NDOLE et de la lignée de LEMBE. Il règne de 1919 à 1935. une désignation qui s’est faite à l’unanimité.
3) Débat autour d’une lignée régnante
Lorsque Sa Majesté NJOG LEMBE décède en 1935, ses enfants sont mineurs. Il est remplacé par on fils adoptif MOUSSONGO Isaac. Ce dernier règne de 1935 au 14 janvier 1943. lorsque ce dernier décède aussi, le canton Bassa s’embrasse dans une confusion. Les enfants de MOUSONGO Isaac revendiquent la dévolution successorale héréditaire. Mais, ils rencontrent une rude opposition. Des enfants NJOG LEMBE de certains villages, à l’instar, du village Ndogbatti qui réclament le statut de village régnant. D’autres familles souches du canton Bassa de Douala revendiquent le Droit à la succession. Certains trouble-fêtes viennent illégalement rajouter à la confusion. On remet même en cause les origines de feu Sa Majesté MOUSSONGO Isaac. On ne lui reconnaît pas d’ascendance au canton Bassa encore moins à la famille LOG NYOUG dont ses enfants se réclament. Cet imbroglio entraîne une vacance à la Chefferie du canton Bassa et débouche après plusieurs conciliabules à une désignation par élection d’un nouveau guide. Le grand conseil est convoqué le 22 novembre 1943 à l’Ecole Publique de Ndogbong.
Les Chefs des vingt trois (23) villages du canton Bassa de Douala et les notables prennent part à ces assises. Les populations présentes font office d’observateurs. Cinq candidats sont en lice : MOUSSONGO Frédéric (55 ans), notable Ndogbong ; MOUSSONGO Henri (45 ans), élite Logsoo (Ndogbong) ; Elame ENYENGUE (48 ans), notable Ndokoti ; MOTASSI Auguste (42 ans), notable Logbessou ; et MBODY Conrad (30 ans), élite Ndogbong.
La candidature de MBODY Conrad sera rejetée à la suite « des renseignements d’Ordre Politique reçu du service de la Chancellerie tutelle et de la sûreté« , indique le procès verbal. A l’issue du scrutin dont le corps
électoral est constitué des Chefs des Villages et notables, Moussongo Henri Joseph de la famille LOGSOO à Ndogbong est élu Chef Supérieur. Il a pour premier Adjoint ELAME ENYENGUE et MOUSSONGO Frédéric.
Lorsque MOUSSONGO Henri Joseph décède, le 14 avril 1964, en dépit de l’intérim assumé par NKWA Joseph, la vacance de poste à la Chefferie ouvre à nouveau un autre conflit de succession entre les différents fils et villages. Sa Majesté Salomon NTOKO SINGUI, alors directeur de l’Ecole Principale de Mboppi, réclame que soit rétablie la lignée régnante au village Ndogbatti dont il est le Chef. Pour argumenter, il relève que dès l’installation des Allemands à Douala au Cameroun, la Chefferie Supérieure a été confiée à la famille NDOGBATTI à travers la famille LOG MBOLLEY avec pour Chef Sa Majesté NTOKO MBOLLEY. Après sa mort lui succèderont respectivement MONGO BATCHAM puis son grand-père NTOKO SINGUI Frédéric. Tous sont élus dans un conseil Log Mboley, issu du village Ndogbatti, elle-même appartenant à la communauté Bong. Les Bong regroupaient les descendants Ndogbatti, Ndogbong, Bonaloka, Logbessou, Logbaba, Ndogmbè I et II, Kotto, Logpom, Makepe, Minsoke, Beedi, Lendi, Ngoma et par le truchement de Bell s’est joint à la famille Kallak qui regroupe les descendants de Ndogkotti, Ndogsimbi, Bonadiwotto, Ndogpassi et Nyalla.
Lors de la réhabilitation de la Chefferie Supérieure du canton Bassa en 1919, NTOKO SINGUI Frédéric décline l’offre et cède le pouvoir à Njog Lembe qui est un membre de la famille LOG MBOLLEY de sa mère. L’Administration tranche cette autre controverse et organise la désignation du Chef Supérieur par élection. Le grand conseil est convoqué le 18 février 1967. Le Préfet du Wouri, Félix SABAL LECCO préside personnellement cette consultation. Trois candidats font Acte de candidature : MBODY Conrad de la famille LOG NYOUG, NKWA Joseph de la famille LOGSOO à Ndogbong et NTOKO SINGUI Salomon, LOG MBOLLEY à Ndogbatti. Seuls les Chefs des Villages constituent le corps électoral. A l’issue du scrutin Sa Majesté MBODY Conrad est élu Chef Supérieur du canton Bassa. Il y règne de 1967 à 2003. « Il faut remarquer que son père MBODY Jonathan, son grand-père Nloma, son arrière grand-père NKOUO et ses aïeux KEMBE et NYOUG n’ont aucunement de leur vivant exercé coutumièrement le commandement traditionnel« , fait remarquer un patriarche du canton Bassa.
Pendant son invalidité, il donne procuration de représentativité à l’un de ses fils, MBODY EPÉE Gaston. Mais les proches de ce dernier parlent d’acte notarié faisant de lui l’héritier testamentaire. Car arguent-ils, l’élection du père MBODY Conrad faisait état du souci de rétablir la lignée régnante, or en face, on dit que cela entrait dans une volonté de conserver le Pouvoir Traditionnel à Ndogbong.
TROISIEME PARTIE
LA DESTITUTION DES CHEFS TRADITIONNELS : ACTE ADMINISTRATIF UNILATERAL OU ACTE DE GOUVERNEMENT ?
Les affaires KOUANG Guillaume Charles et ESSOMBA Marc Antoine contre/ Etat du Cameroun étaient portées sur la désignation des Chefs Traditionnels.
Le Juge Administratif s’est déclaré compétent en disant que c’étaient des simples Actes Administratifs dont il pouvait connaître du contentieux. Plus tard, dans les affaires MONKAM TIENTCHEU David et NGOONG MANDENG Christophe contre/ Etat du Cameroun et relatives à la désignation des Chefs Traditionnels et Coutumiers, le Juge Administratif s’est déclaré incompétent au profit des Autorités investies du pouvoir de désignation en disant que les Actes désignant les détenteurs de Pouvoir Traditionnel étaient des « Actes de Gouvernement » qui ne donnent aucun débat juridictionnel. En cas des litiges, les Autorités investies du pouvoir de désignation se prononcent en premier et en dernier ressort. Il est très impossible qu’on parle de la désignation des Chefs Traditionnels sans parler de la destitution de ceux-ci. Qu’entend-t-on par destitution d’un Chef Traditionnel ? (I), la nature juridique des Actes destituant les Chefs Traditionnels (II), qui destitue le Chef Traditionnel ? (III), par quels Actes Administratifs est destitué le Chef Traditionnel ? (IV), quelles sont les motivations de destitution d’un Chef Traditionnel ? (V), Y-a-t-il des périodes réservées pour la destitution d’un Chef Traditionnel ? (VI).
I- LE DEFINITION JURIDIQUE DE LA DESTITUTION D’UN CHEF TRADITIONNEL
On parle de destitution d’un Chef Traditionnel lorsque l’Autorité Administrative compétente en matière de désignation des Chefs des Institutions Traditionnelles et Coutumières met fin à la continuité des Activités traditionnelles d’un Chef. Tout Acte juridique portant destitution d’un Chef de premier, deuxième et troisième degré doit être motivé. Pour le Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant l’organisation des Chefferies Traditionnelles, les fautes graves, l’inefficacité, l’inertie ou exactions à l’égard des populations peuvent engendrer plusieurs sanctions à l’encontre du Chef Traditionnel. Parmi celles-ci, figure la destitutiondu Chef Traditionnel. Par ailleurs, plusieurs fautes illicites, illégales, condamnables, dangereuses et dramatiques peuvent également occasionner la destitution d’un Chef Traditionnel. On peut citer : « l’atteinte à la sécurité de la population, l’atteinte grave et intolérable aux principes généraux des Droits de l’Homme inscrits dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948, de la Charte des Nations Unies, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et du Peuple, de la Déclaration des Droits de l’Homme et des Citoyens, du Préambule de la Loi Constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 Juin 1972, et d’autres textes juridiques et fondamentaux à caractère international« . Tous ces textes juridiques susvisés en dehors de la Constitution sont reconnus par le Droit International. Ils sont au dessus de toutes les lois et son application reste obligatoire.
II- LA NATURE JURIDIQUES DES ACTES PORTANT DESTITUTION DES CHEFS TRADITIONNELS
La destitution des Chefs Traditionnels, ici considérée comme la troisième partie de notre travail sur les Chefferies Traditionnelles Nationales mérite une étude juridique très approfondie. Il est question de savoir si elle est un « Acte Administratif unilatéral susceptible de tout recours en annulation pour excès de pouvoir, ou un Acte de Gouvernement privé de tout examen juridictionnel« . Je considère la « désignation » et la « destitution » des Chefs Traditionnels comme des « jumeaux » de même mère. Cet adage veut dire qu’il n’y a jamais de désignation sans destitution, qui veut également dire qu’il n’y a jamais des jumeaux sans la présence de deux enfants. Ils marchent toujours à deux. Donc la désignation marche avec la destitution. On peut désigner tout comme on peut destituer un Chef Traditionnel. S’il y a déjà désignation, il peut avoir aussi destitution. Plusieurs jurisprudences Administratives portant sur le contentieux de la désignation des Chefs Traditionnels vont me donner la possibilité de trouver facilement la nature juridique des Actes destituant un Chef Traditionnel, si ceux-ci font partie du calendrier des simples Actes Administratifs pouvant organiser un débat juridictionnel ou du calendrier des Actes de Gouvernement possédant des immunités juridictionnelles. Dans les Affaires KOUANG Guillaume Charles contre/ Etat du Cameroun jugement n° 66/ADD/CS/CA/78-79 du 31 Mai 1979 et ESSOMBA Marc Antoine jugement n°7/CS/CA/79-80 du 29 Novembre 1979 contre/ Etat du Cameroun, le Juge Administratif s’est déclaré compétent en l’espèce au motif que l’Acte litigieux n’est qu’un simple Acte Administratif. Pour lui, on parlera d’Acte de Gouvernement lorsque la réclamation tient à une question Politique dont la Décision appartient exclusivement au Gouvernement. Plus tard, les Affaires MONKAM TIENTCHEU David jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 et NGOONG MANDENG Christophe jugement n°60/CS/CA/85-86 du 15 Mai 1986 contre/ Etat du Cameroun, le Juge Administratif de la Chambre Administrative de la Cour Suprême s’est déclaré incompétent en s’appuyant sur cette phrase : « les juridictions de Droit Commun et de l’Ordre Administratif sont dessaisies d’office de toutes les Affaires pendantes devant elles et relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels ». Ces Affaires seront réglées conformément aux dispositions de la Loi du 30 Juin 1979, lesquelles font de l’Autorité investie du pouvoir de désignation, l’instance exclusive du règlement des litiges afférents. (Voir Loi n°80/31 du 27 Novembre 1980). Durant les années 1978 à 1980, les Actes désignant les Autorités Traditionnelles, Coutumières et Ancestrales étaient considérés comme des simples Actes Administratifs pouvant organiser le contentieux juridictionnel. De 1980 à 1986, ces Actes étaient considérés comme des Actes de Gouvernement ne pouvant organiser aucun débat devant le Juge. De 1986 jusqu’à nos jours, ces derniers conservent toujours le caractère d’Acte de Gouvernement privé de tout examen juridictionnel. Si on applique cet adage qui dit : « la désignation et la destitution sont des jumeaux », et que les jumeaux ne peuvent pas avoir de mère différente, ce que la destitution des Chefs Traditionnels est un Acte de Gouvernement car, dans les années 1980 à 1986 et jusqu’aujourd’hui, les Actes portant désignation des détenteurs du pouvoir de commandement traditionnel sont des Actes de Gouvernement. Et tout contentieux à cet effet est réglé par l’Autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et en dernier ressort. Donc les Actes portant destitution des Autorités Traditionnelles sont aussi des « Actes de Gouvernement« , et tout contentieux à cet effet est réglé par l’Autorité investie du pouvoir de désignation en premier et en dernier ressort. Ladite Autorité compétente en matière de désignation des détenteurs des Collectivités Traditionnelles est aussi compétente en matière de destitution de ceux-ci.
Pour plus d’éclairages voire les dispositions de l’Article 30 Alinéa (3) du texte juridique de 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles qui disposent « la destitution des Chefs de troisième degré est prononcée par le Ministre de l’Administration Territoriale, celle des Chefs de premier et deuxième degrés par le Premier Ministre ».
En conclusion, les Actes portant destitution des Chefs Traditionnels sont des Actes de Gouvernement in susceptibles de tout recours pour excès de pouvoir devant une juridiction. Sauf l’autorité investie du pouvoir de désignation peut destituer un Chef Traditionnel, et peut connaître de tout contentieux dans le domaine.
III- QUELLE AUTORITE EST HABILITEE A DESTITUER LES CHEFS TRADITIONNELS
L’Autorité habilitée à destituer un Chef Traditionnel n’est pas à chercher. Si l’Autorité investie du pouvoir de désignation désigne un Chef Traditionnel, le pouvoir de destitution dudit Chef lui revient également de plein Droit. Aucune juridiction que ce soit de l’Ordre Administratif ou de l’Ordre Judiciaire ne peut prendre des décisions juridictionnelles portant destitution d’un détenteur du Pouvoir Traditionnel. L’Acte juridique du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles n’a pas manqué à son Article 30 Alinéa (3) de spécifier, de préciser et de déterminer les Autorités habilitées à destituer les Chefs Traditionnels de troisième degré et celles des Chefs Traditionnels de premier et deuxième degrés. Pour plus d’éclairage de l’Article 30 Alinéa (3) suscité, les Chefs de troisième degré appelés encore Chefs des Villages sont destitués par le Ministre de l’Administration Territoriale. En ce qui concerne les Chefs de premier et deuxième degrés appelés d’une autre manière les Chefs Supérieurs ou des Groupements, ils sont destitués par le Premier Ministre Chef du Gouvernement. Voici ce qu’on peut retenir de la destitution des Chefs Traditionnels au niveau central. Au niveau local, les Autorités Administratives investies du pouvoir de désignation des Chefs des Instances Traditionnelles et Ancestrales peuvent entreprendre des procédures de destitution locale motivée des Chefs Traditionnels ou Autorités de Commandement Traditionnel avant que celles-ci ne soient prononcées au niveau central par les Autorités compétentes.
IV- LES ACTES ADMINISTRATIFS PORTANT DESTITUTION DES CHEFS TRADITIONNELS.
Puisque j’ai déjà souligner dans les précédentes lignes que tout Chef Traditionnel peut être destitué en cas de besoin au plan local tout comme au plan central, il serait nécessaire et principal de parler des Actes Administratifs à édicter localement et centralement en vue de la destitution d’un Chef Traditionnel. Ces Actes sont des Actes Administratifs locaux (1) et centraux (2).
1) Les Actes Administratifs locaux de destitution des Chefs Traditionnels
Ces types d’Actes Administratifs sont des Actes édictés par l’Autorité investie du pouvoir de désignation des Chefs des Collectivités Traditionnelles au niveau local. Tout Chef Traditionnel désigné localement par Décision d’un Chef de District, d’un Sous-Préfet, l’Arrêté d’un Préfet ou d’un Gouverneur de province peut être destitué localement de par la même Décision ou du même Arrêté. Attention, la destitution locale d’un Chef Traditionnel ne peut être au dessus de la destitution centrale de ce dernier. La puissance Administrative centrale est au dessus de la puissance Administrative locale. Ceci revient à cet adage qui dit : « L’Administration locale est l’enfant de l’Administration Centrale. » Ce qu’il faut retenir est que parmi toutes les Autorités Administratives camerounaises qui s’occupent des Institutions Traditionnelles définies par le Décret N° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles modifié et complété par Décret n°82/241 du 24 Juin 1982, le Chef de District n’est pas inclus. Mais je l’ai qualifié dans ce devoir d’Autorité investie du pouvoir de désignation parce que je suis sûr que celle-ci (Chef de District) sera appelée à prendre des Décisions sur toute désignation ou destitution d’un Chef Traditionnel implanté dans son Unité Administrative de commandement. En plus quand on parle de la Sous-Préfectorale, de la Préfectorale et de la Gouvernatoriale au niveau local, on doit penser obligatoirement au Chef de District, car, il est classé dans le cadre des services de commandement territorial cités ci-dessus.
2) Les Actes Administratif centraux de destitution des Chefs Traditionnels
Les Actes Administratifs centraux de destitution des Chefs des Instances Traditionnelles et Ancestrales sont au dessus des Actes Administratifs locaux en la matière. Les Chefs des Collectivités Traditionnelles peuvent être destitués localement comme je l’ai dis dans nos dernières lignes, tout comme centralement. Au niveau central, comme a souligné le Décret Présidentiel de 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles à son Article 30 Alinéa (3) du CHAPITRE IV : « la destitution des Chefs de troisième degré est prononcée par le Ministre de l’Administration Territoriale, celle des Chefs de premier et deuxième degrés est prononcée par le Premier Ministre ». Le Ministre de l’Administration Territoriale dans l’exercice de ses attributions ministérielles édicte des Arrêtés Ministériels. A base de ces Arrêtés, il désigne les Chefs Traditionnels et les destitue avec les mêmes Actes ministériels. Donc l’Arrêté Ministériel peut servir d’Acte portant destitution des Chefs Traditionnels au plan central : c’est un Acte Administratif central de destitution des Chefs Traditionnels . En outre, le Premier Ministre, de par les Arrêtés du Premier Ministre exerce ses multiples fonctions de désignation et de destitution des Chefs des Collectivités Traditionnelles. Si l’Arrêté est utilisé pour désigner un Chef Traditionnel, il doit également être utilisé pour destituer celui-ci. Pour tout dire l’Arrêté du Premier est : un Acte Administratif central de destitution de Chefs Traditionnels. Puisque le Décret du Chef de l’Etat du 15 Juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles a parlé de toutes les Autorités Républicaines compétentes en matière des Chefferies Traditionnelles sans faire allusion au Président de la République, je ne peut pas manquer de confirmer catégoriquement que celui-ci possède tout le pouvoir central de par son Acte juridique qui porte le nom du « Décret » pour désigner ou destituer un Chef Traditionnel le plus élevé (le grand Chef Supérieur d’une très haute Chefferie) par Décret. Ici, ledit Décret sera considéré d’Acte Administratif central de désignation et de destitution d’un Chef Traditionnel.
V- LES MOTIVATIONS DE DESTITUTION DES CHEFS TRADITIONNELS
Aucune procédure de destitution d’un Chef Traditionnel ne peut être engagée sans motifs bien fondés. Aucun Chef Traditionnel de premier, deuxième ou troisième degré ne peut être destitué par l’Autorité Administrative compétente s’il ne commet des graves fautes méritant sa destitution. Pour l’Article 29 CHAPITRE IV du Décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles : « En cas de faute dans l’exercice de leurs fonctions, en cas d’inefficacité, d’inertie ou d’exactions à l’égard des populations, les Chefs Traditionnels encourent les sanctions suivantes : rappel à l’ordre ; avertissement ; blâme simple ; blâme avec suspension pendant 3 mois au plus de la totalité des allocations ; la destitution. Les sanctions disciplinaires qui précèdent ne peuvent être infligées que si le Chef a été préalablement appelé à donner des explications sur son comportement, son inefficacité ou son inertie ». Donc en cas de fautes graves énumérées plus haut, tout Chef Traditionnel ou détenteur du Pouvoir de Commandement Traditionnel encoure plusieurs sanctions suscitées dont la plus malheureuse et dangereuse est la « DESTITUTION ».
VI- LES PERIODES RESERVEES POUR LA DESTITUTION DES CHEFS TRADITIONNELS.
Aucune loi, aucun Acte Administratif de la République du Cameroun n’a spécifié et précisé les périodes réservées pour la destitution des Chefs Traditionnels. Lorsque les motifs fondés pouvant occasionner la destitution d’une Autorité Traditionnelle sont connus, l’Autorité habilitée et compétente dans le domaine de destitution des Autorités Traditionnelles au niveau local ou au niveau central peut déjà immédiatement procéder à la destitution du Chef de Collectivité Traditionnelle sans se poser des questions, est-ce que cette période, ce mois ou cette Année sont réservés pour la destitution d’un Chef Traditionnel ? Puisque aucune législation ne prévoit cela.
Après avoir achevé ces endurants commentaires juridiques de la première partie de mon devoir portant sur les Actes désignant les Chefs Traditionnels considérés comme simples Actes Administratifs, de la deuxième partie dudit devoir portant sur les Actes de désignation des Chefs Traditionnels considérés comme Actes de Gouvernement, et de la troisième partie du même devoir parlant des Actes portant destitution des Chefs Traditionnels, il est question pour moi d’entamer immédiatement deux sections, l’une qui porte sur l’ordonnancement juridique de certains Actes Administratifs et Juridiques portant homologation de la désignation des Chefs Traditionnels (section première), l’autre consacrée à la reproduction intégrale et complète des textes juridiques et législatifs et autres Actes juridiques et Administratifs régissant les Chefferies Traditionnelles (Section deuxième)
SECTION PREMIERE
L’ORDONNANCEMENT JURIDIQUE DES ACTES ADMINISTRATIFS PORTANT HOMOLOGATION DE LA DESIGNATION DES CHEFS TRADITIONNELS
Il n’existe pas une très grande différence au niveau de l’ordonnancement juridique des Actes édictés par les Autorités habilitées et portant sur la désignation des Chefs Traditionnels. Au niveau de l’entête qu’est le titre de l’Acte Administratif édicté, je constate une petite différence, car les uns sont des Décisions Administratives des Chefs des Districts et des Sous-Préfets, les autres, les Arrêtés des Préfets, des Gouverneurs des Provinces, du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, du Premier Ministre Chef du Gouvernement, sans oublier le Décret du Président de la République, Chef de l’Etat. Mais au niveau de la structuration des Actes en question, il n’existe pas une grande différence puisque la Constitution est citée en première position, les lois ordinaires et souples, les Décrets, et tout autre Acte Administratif régissant les Chefferies Traditionnelles sont mentionnés dans tout Acte juridique portant désignation des Autorités Traditionnelles. Autre petite différence légère se trouve au niveau de l’Autorité Administrative signataire de l’Acte Administratif et Juridique désignant un Chef Traditionnel. Pour plus d’éclairage dans les domaines sus-évoqués, voici comment sont structurés les Actes juridiques portant désignation des Chefs Traditionnels et Coutumiers. Ces Actes Administratifs et Juridiques sont entre autres les Actes juridiques centraux qui sont : l’Arrêté du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (I), l’Arrêté du Premier Ministre Chef du Gouvernement (II) et le Décret du Président de la République Chef de l’Etat (III). En ce qui concerne les Actes Administratif et Juridiques locaux dans le domaine, il y a : les Décisions du Chef de District ou du Sous-Préfet (IV), l’Arrêté Préfectoral (V) et l’Arrêté Provincial ou Gouvernatorial (VII).
I- La structuration de l’Arrêté du Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation portant désignation d’un Chef Traditionnel de deuxième degré.
MA.-
REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROUN
Paix – Travail – Patrie Peace – Work – Fatherland
MINISTERE DE L’ADMINISTRATION MINISTRY OF TERRITORIAL
TERRITORALE ADMINISTRATION
ET DE LA DECENTRALISATION AND DECENTRALIZATION
DIRECTION DE L’ORGANISATION DEPARTMENT OF TERRITORIAL
DU TERRITOIRE ORGANISATION
ARRËTE N° /A/MINATD/DOT/SDOA/SCT.-
Portant homologation de la désignation de YAYA SOULEMANOU
en qualité de Chef de 2e degré de LOKOTI, Arrondissement de MEIGANGA,
Département de MBERE Province de l’ADAMAOUA
LE MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE
ET DE LA DECENTRALISATION
VU la Constitution ;
VU la Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels ;
VU la Loi n°80/31 du 27 novembre 1980 dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations soulevées à l’occasion de la désignation des Chefs Traditionnels ;
VU la Loi n°2005/008 du 29 décembre 2005 portant loi des finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2006 ;
VU le Décret n°72/349 du 24 juillet 1972 portant organisation Administrative de la République Unie du Cameroun et ses modificatifs subséquents ;
VU le Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles, modifié et complété par le décret n°82/241 du 24 juin 1982 ;
VU le Décret n°2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du Gouvernement ;
VU le Décret n°2004/322 du 8 décembre 2004 portant formation du Gouvernement ;
VU le Décret n°2005/104 du 13 avril 2005 portant organisation du Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation ;
VU l’Arrêté n°57/A/MINAT/MINFI du 26 février 1983 fixant le taux d’allocation fixe à attribuer aux Chefs Traditionnels ;
VU l’Arrêté n°27/A/MINAT/DOT du 19 janvier 1982 déterminant les Chefferies Traditionnelles de 2e degré dans le Département du Mbéré, province de l’Adamaoua ;
VU la Circulaire n°006/013/CF/MINEFI/B du 12 janvier 2006 portant instructions relatives à l’exécution et au contrôle de l’exécution du budget de l’Etat et des organismes subventionnés pour l’exercice 2006 ;
VU le dossier de l’intéressé.
A R R E T E
Article 1er : Est homologuée pour compter du 8 août 2003, la désignation faite selon la procédure réglementaire de Monsieur YAYASOULEMANOU, en qualité de Chef de 2e degré de LOKOTI, 10515 habitants, Arrondissement de MEIGANGA, en remplacement de ADAMOUJean OUMAROU décédé le 8 Mai 2003.
Article 2 : Monsieur YAYA SOULEMANOU pourra prétendre aux avantages prévus par les Articles 22 et 24 du Décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies Traditionnelles, modifié et complété par le Décret n°82/241 du 24 juin 1982.
Article 3 : La dépense relative aux avantages prévus par l’Article 2 ci-dessus sera imputable au budget de l’Etat, chapitre 07 article 330002 paragraphe 6263 (indemnités spécifiques).
Exercice 2006
Article 4 : Le présent Arrêté sera publié et communiqué partout où besoin sera./-
AMPLIATIONS :
– PM YAOUNDE, le ………………………
– MINEFI Le Ministre d’Etat ;
– GOUVERPROADAMAOUA (é) MARAFA HAMIDOU YAYA