6* Pourquoi les gens qui disent « aimer l’Afrique » devraient-ils, pour le démontrer, selon vous, concomitamment aller à l’université occidentale et apprendre à se faire instruire à l’école des initiés de leur village ?
Le monde actuel est ainsi conçu. L’environnement actuel nous y oblige. Il s’agit des contingences qui seront appelées à disparaître dès que la Renaissance aura pris ses quartiers. L’université occidentale ne sera plus une obligation sur nos terres. Un champ de sciences et autres savoirs pourraient être enseignés selon un paradigme endogène comme au Japon par exemple. A l’intérieur, de cet enseignement, devra figurer un corpus spirituel comme dans nos « Per Ankh » à Kemet ou dans nos Mikuka Sawa, qui étaient de véritables universités initiatiques. Tout ceci pour vous dire que le négro-africain, terme cher à mes maitres à penser DIOP, OBENGA, DIKA, ne séparait pas dans la transmission des savoirs, sciences dures et sciences initiatiques, éducation sociale et cursus spirituel, enseignement normal et instruction cultuelle.
7* Quelles sont les conséquences institutionnelles, sociales, politiques, militaires, autres, de l’initiation galvaudée ?
Le Chaos. Une dépréciation de la vie communautaire, un déséquilibre spirituel impactant l’ordre social. « Éteki », l’Ordre des humains, chez les Duala, n’est pas seulement calqué sur « Tei », l’Ordre Universel, et « Matè », l’Ordre Cosmique. Il y est connecté par un ensemble de rites dont la souche se retrouve dans les diverses initiations délivrées méthodiquement par les écoles et sociétés initiatiques. Lorsque les alliances sacrificielles et autres connexions ancestrales ou divines sont rompues voire mal conduites, par le fait des hommes avares et/ou réfractaires aux codes de transmission séculaire et de leurs méthodologies ancestrales, on ne peut s’attendre qu’à des cataclysmes spirituels débouchant sur des dépravations sociales, économiques et politiques. L’atmosphère ambiante dans nos sociétés actuelles peut en témoigner. Il est temps de nous refaire. L’Homme ayant reçu une initiation galvaudée est un danger pour lui-même, ses proches et comme, dit plus haut, pour toute la société y compris ses initiateurs indélicats.
8* A l’heure où dans nos différents pays une forme de syncrétisme tend à s’établir entre christianisme/islam et religions traditionnelles : A- Quel est votre jugement de valeur sur cette tendance ? B- Avez-vous de critères de jugement objectif pour motiver votre position ? C- Sans conservation à l’écrit par les initiés actuels, ne risque-t-on pas de perdre la pureté des rites magiques ? D- Avec les jeunes de plus en plus en ville, comment démasquons-nous les charlatans entre aveugles ?
Le syncrétisme, à notre avis, est premièrement un aveu d’échec et de faiblesse. Un constat d’immaturité spirituelle. On pense gagner en ayant un pied à droite, une main à gauche et le bout de son nez au centre. On s’imagine contrôler un univers alors que finalement on est maitre de rien du tout. Avoir une culture spirituelle universelle ou universaliste ne mènera notre Peuple à rien du tout. Elle fera de vous un érudit de plus, ne servant à rien à sa communauté, en réalité, car les enjeux sont plus complexes et au-dessus de nos petits êtres balbutiants et égocentriques.
Deuxièmement, le syncrétiste utilise des forces qui finissent par se combattre dans son environnement spirituel. Entre les égrégores et divinités d’emprunt, d’un côté, vivant selon des codes précis et ses Ancêtres et Divinités, obéissant à une structure distincte, on se retrouve, bien des fois, dans des incongruités spirituelles de haut vol !
Comment expliquer, par exemple, que lors d’une cérémonie de commémoration d’un mort de la famille, cette dernière fasse intervenir un prêtre catholique et un ritualiste africain ???
Si pour les deux intervenants et ladite famille, commémorer c’est faire vivre la mémoire du mort, nous devons nous appesantir sur le fonctionnement et l’impact d’une telle cérémonie sur le mort objet de la commémoration car deux visions, ici, de l’au-delà s’oppose rigoureusement !
Tenez, d’un côté, le négro-africain ne conçoit pas l’après-mort comme un moment absolu de répit, un état de repos ! Le mort africain dans nos cultures n’est pas censé se reposer. Il est évoqué, invoqué et même convoqué lorsqu’il le faut. Voilà pourquoi son double est nourri par l’énergie de diverses offrandes à lui offertes par ses descendants et autres proches sur et autour de sa tombe ou dans d’autres espaces comme les seuils des portes, lors des libations, ou encore pendant les assemblées familiales et dans les sanctuaires dédiés à cet effet.
Le mort ou l’Ancêtre, dans nos cérémonies, est appelé à « se réveiller » par le ritualiste. Ce dernier tient souvent une tige de feuille de bananier qu’il frappe violemment sur la tombe pour sommer le défunt d’écouter et de prendre part à la cérémonie mais aussi, bien entendu, d’exaucer les demandes et vœux de ses proches.
Quelques minutes après, c’est le prêtre ou le pasteur qui entre en scène et qui clôture très souvent la cérémonie en demandant, pour le mort, le repos éternel dans l’espoir d’une résurrection annoncée par Jésus, son sauveur et maitre !!!
Allez y comprendre quelque chose ! Voilà dans une même commémoration, deux indications contradictoires données au même mort : l’action urgente et quotidienne, d’un côté, et de l’autre le repos éternel. Et le mort troublé de se demander si nous avons perdu la tête !
On manque de cohérence spirituelle, de lucidité initiatique dans nos démarches religieuses et mystiques ! Puissent le discernement et la sagacité regagner nos cerveaux !
En ce qui concerne votre préoccupation concernant la conservation par écrit de nos rites, ce n’est pas un fait nouveau. Il faut se rappeler, comme je l’ai mentionné plus haut, que depuis Kemet, beaucoup de rites étaient déjà retranscrits sur les murs et papyrus. On les retrouve, pour certains, dans les textes des Pyramides ou dans le Livre de la Sortie du Jour appelé malencontreusement « Le Livre des Morts égyptien » Même si tout n’a pas été consigné, beaucoup a été rédigé et est aujourd’hui parvenu à divers chercheurs ci et là. Cependant, il faut savoir que tout ne saurait être écrit. Une partie de l’enseignement sacré se transmet uniquement de la bouche du maitre à l’oreille du néophyte. Nous écrivons beaucoup aujourd’hui dans nos écoles de mystères mais nous avons aussi gardé cette sacralité “intranscriptible“ à un certain niveau initiatique.
Il est vrai qu’il n’est pas évident pour celui qui n’est pas aguerri de savoir reconnaître le charlatan jouant les prêtres initiateurs dans nos villes. Mais sachons aussi que les vrais détenteurs de nos arcanes ne courent pas les rues et, eux, savent reconnaître les vrais chercheurs des voies initiatiques authentiques.
Il n’y a pas d’erreur Kamite. Il y a des égarés et des brebis galeuses partout.
9* A quand un complot d’initiés d’Afrique pour contrebalancer le complot « illuminati » ? Qu’est-ce qui manque ou faudrait-il d’abord faire (processus) ?
Bientôt, une masse critique de personnes, initiées, dévouées, opérationnelles et prêtes à en découdre arrive.
(Rires) Il ne convient pas, ici, de dire le moment ou le comment d’un tel combat qui a, même, d’ailleurs commencé depuis fort longtemps. Pour atteindre cette masse critique souhaitée, il faut recruter, enseigner, initier et ainsi re-polariser le mental des nôtres. Les choses se feront toutes seules après, croyez-moi.
10* Puis-je suggérer que l’erreur kamite, outre son supraréférentiel egyptianisant nie la migration pour faire dire à ANTA DIOP ce qu’il n’a pas dit : l’Égypte est le début de la civilisation humaine, est de vouloir parler d’initiation à partir de l’Histoire et la refaire « authentique » à partir d’une histoire finalement parcellaire ? Qu’y répondez-vous ?
Les Ancêtres en remontant le Nil ne l’ont pas fait bras ballants. Ils sont allés bâtir Punt, la Nubie et plus tard Kemet avec un savoir déjà, plus ou moins, expérimenté plus bas comme pour le cas des mathématiques avec l’Os d’Ishango, il y a 20.000 ans. L’Égypte ancienne est notre plus belle et grande réussite connue. Ce n’est pas le début de la civilisation mais la plus grande des civilisations humaines. Nous devrions en être fiers car c’est à cause de cette grandeur, jamais égalée, et incomprise, jusqu’à nos jours par beaucoup de chercheurs occidentaux, que la quasi-totalité des leucodermes nous disputent cet héritage nôtre.
10.000 ans de suprématie négro-africaine ce n’est pas rien. Il faut le clamer et le réclamer ! L’Égypte a toute sa place dans nos humanités classiques mais pas toute la place. Il n’y a pas d’erreur Kamite. Il y a des égarés et des brebis galeuses partout. DIOP a laissé un corpus, OBENGA, BILOLO, GOMEZ et pleins d’autres ont continué son œuvre et, l’on sait, que c’est ce qu’il a souhaité de son vivant. Il a recommandé de donner à l’Égypte pharaonique la place qu’à la Grèce dans les humanités classiques européennes car cette Égypte est notre héritage : le plus grandiose qui soit. Par contre il n’a jamais demandé de renier le legs ancestral récent puisqu’il est prouvé qu’il est, pour la plupart, la réminiscence de ce savoir ancien enfoui en nous depuis notre départ de Kemet, du moins, pour ceux des nôtres qui en descendent.
Le Kamite que je suis englobe et réclame tout cet héritage, l’avant Kemet et l’après Kemet. A ce sujet, je vous invite à lire après DIOP et OBENGA, une œuvre anthologique de la même mouvance et écrite par le Feu Prince et Professeur DIKA AKWA nya BONAMBELA dont le titre assez évocateur est : « Les Descendants des Pharaons à travers l’Afrique » édité par Osiris Africa en 1985.
La question suivante et la réponse sont une volonté de précision de notre contributeur d’une thématique qui n’a pas été abordée. Donnez la parole à nos intelligences : la mission de ce bulletin !
11* Pouvez-vous nous parler en quelques lignes de ces réminiscences égyptiennes dans la sphère sacrée des peuples qui disent en descendre ?
Les concepts philosophiques sont les mêmes. Nous avons transporté dans nos mémoires et cerveaux une foule de connaissances mythologiques et cosmogoniques qui peuplent et fondent, aujourd’hui, nos arcanes cultuels.
Sans entrer dans la comparaison du panthéon des divinités de Kemet et celui des SAWA actuels, je vais parler brièvement de la Divinité Suprême des peuples de la côte camerounaise qui est NYAMBÉ et qui, à bien d’égards, est Amon. Sur le plan linguistique, il nous est révélé par le Prince DIKA que NYAMBÉ est une combinaison de “Amon“ + “Bai ». Amon-Bai s’est fait AMBA, AMBI puis, nzAMBI, zAMBE, nyAMBE et ainsi de suite. Les mystiques de Karnak dans des traités anciens parlaient d’Amon-Bai. Amon, le démiurge invisible, et Bai, son souffle, entendez par là, sa création-manifestation.
NYAMBÉ, étant la combinaison ésotérique de ces deux »mots-Forces-Entités », à son tour, plus d’un millénaire après, va donc englober le caractère visible et invisible du Démiurge Amon-Bai. Il sera lui aussi à la tête d’un panthéon de divinités secondaires et autres déités qui, à la vérité, ne sont que des émanations, formes et principes de la Divinité centrale.
Plus bas, dans la Cosmogonie des Ngala-Duala, nous voyons bien les ressemblances, tantôt linguistiques tantôt mythologiques, des essences spirituelles étudiées.
JEKI LA NJAMBÈ est le Héros majeur des « Masomandala » ou contes initiatiques des SAWA. Comme HOR (Horus) se battant contre SETH, il combat KWA, son oncle et meurtrier de son père NJAMBÈ. JEKI dans le mythe, est aussi appelé OLO, l’Ancien. Après analyses… anthropologiques et études linguistiques, il est avéré, par DIKA, que HR ou HORO a muté en plusieurs siècles en OLO, L remplaçant R.
Aussi, NJAMBÈ, père de JEKI a pour hypostase JUDI LA BEDIMO, le Grand Juge du Pays des Morts. C’est le rôle que joue OUSSIRÉ/AUSAR (OSIRIS), père de HOR, dans la Douat : le Monde Souterrain. Il meurt découpé par son frère ainé en 14 morceaux comme OUSIRÉ à Kemet. Notons aussi, entre autres, que NJAMBÈ est le Roi-dieu de la végétation comme le fut OUSIRÉ. Sa femme EBÈNYÈ est une magicienne dotée de pouvoirs énormes comme ASET (Isis) et dont l’hypostase est ISÈ.
Les ressemblances linguistiques et cosmogoniques sont légions, comme vous pouvez le constater, finissons par EYATO, la divine-femme de JEKI qui se positionne comme HET-HOR (HATHOR) dans le mythe de Kemet et dont le symbole est NYAKA, la Vache Sacrée tel celui de HET-HOR. Aussi, il faut ajouter que ces recherches anthropologiques ne se limitent pas pour nous aux côtes camerounaises. HORO/OLO se retrouve être la racine de plusieurs mots sacrés dans les langues africaines actuelles. Nous avons : OLU, le disque solaire. ILO (« jour », Bassa), ELOLOMBÈ (« disque solaire », Duala), OLOLOMÈ (« Dieu Créateur », Bakoko), OLODUMARE, OLOGUN, (« Créateur Suprême », Yoruba), OLU (« Divin », « Sacré », « Prééminent », Yoruba), OLUGU (« Louange », Ekang), etc.
Nous allons nous arrêter là. Il appartient à tous ceux des chercheurs et initiés qui œuvrent pour la résurgence de nos cultes anciens de se pencher sur tout ceci et donner aux jeunes les corpus spirituels endogènes qui, seuls, sauveront le continent de sa léthargie spirituelle actuelle due à la mendicité culturelle de nos peuples vis-à-vis des autres.
Et moi, comment puis-je vous remercier de me permettre de diffuser ces choses qui méritent d’être connues, apprises pour repenser notre Afrique, sinon en vous encourageant à continuer ce travail que vous avez commencé !
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