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Mboa Sawa : quelques notes historiques.

Par groupe « Duala », nous entendons les descendants de ces ancêtres aventuriers partit du bassin du Congo entre le XIIIet le XIVe siècle pour se fixer dans la partie orientale du Golfe de Guinée appelée « Baie de Biafra »

Douala, la capitale économique du Cameroun, s’est dotée d’une Maison de la culture Sawa. Cet édifice, situé à quelques encablures du fleuve Wouri, sur le boulevard Bésèke, au cœur de l’ancien Douala (zone originelle d’expansion de l’actuelle métropole), a été inauguré le 14 décembre 2023. Il joue un double rôle : celui de repère et de plateforme de référence pour les Camerounais souhaitant approfondir leurs connaissances et retracer leurs origines Sawa.

Les Sawa, peuple de la côte camerounaise, sont répartis dans les trois régions côtières du pays et constituent l’une des identités culturelles les plus marquantes. Leur culture se manifeste à travers des éléments tels que le kaba, une grande robe adoptée par la quasi-totalité des femmes camerounaises, ainsi que le fameux plat Ndolé, connu dans toute l’Afrique.

La Maison de la culture Sawa, également appelée “Mukanda mua Ngondo” en langue Duala, a pour objectif principal d’offrir au Ngondo (l’assemblée traditionnelle du peuple Sawa) un siège officiel. Elle vise également à dynamiser la culture au sein de la grande ville de Douala. Ce lieu de savoir et de mémoire abritera des outils informatiques permettant aux visiteurs de plonger dans l’histoire, remontant jusqu’à 300 ou 400 ans en arrière.

L’édifice, qui s’étend sur 1760 m² (près du tiers de la superficie totale du site de 5000 m²), a la forme d’une pirogue, symbole fédérateur renvoyant aux éléments naturels et culturels liés à l’eau et aux activités de pêche partagées par le peuple Sawa.

La construction de la Maison de la culture Sawa a débuté le 5 mars 2016 et a coûté environ 6 milliards de FCFA. L’État du Cameroun a financé 75% de ce montant via la communauté urbaine de Douala, tandis que le Ngondo a contribué à hauteur de 25%, soit 1,5 milliard de FCFA.

Quelques notes historiques.

1.      Par groupe « Duala », nous entendons les descendants de ces ancêtres aventuriers partit du bassin du Congo entre le XIIIet le XIVe siècle pour se fixer dans la partie orientale du Golfe de Guinée appelée « Baie de Biafra ». Nous regroupons donc autour de ce tronc commun, les lignages dont l’histoire et les traditions font ressortir une parenté plus ou moins proche à savoir: les Duala stricto sensu, les Jebalè, les Malimba, les Pongo-Songo, les Dibongo, les Bodiman, les Ewodi, les Pongo, les Mongo, les Abo, les Kôlè, les Longase, les Batanga, les Isubu, les Bakweri.

2.      Le « Trust » consistait à confier aux principaux commerçants autochtones une certaine quantité de marchandises qu’ils devaient échanger avec les gens de l’hinterland. Le capitaine leur remettait le fameux « Kalati  ou encore Trade book » qui était le livre dans lequel le crédit était enregistré. Ils devaient ensuite rapporter lors du retour du navire qui leur avait avancé ces marchandises, des produits pour une valeur correspondante. On parlait alors de « laver son trust »

3.      Deux branches principales constituent l’arbre généalogique d’Ewal’a Mbedi (Duala) : la branche de Njoh’a Mase m’Ewale, d’où sortiront les Bell et Bonabéri, et celle de Ngiy’a Mulobe m’Ewale, d’où sortiront les Akwa et les Deïdo.

4.      « King George » ce pseudonyme donné au patriarche Doo la Makongo par les négriers anglais était le nom dynastique du souverain Britannique de cette époque, le Roi GEORGE III du Royaume-Uni. Il régna de 1760 à 1811 et mourut en 1820. Son fils aîné George IV fut d’abord régent entre 1811 et 1820, puis régna ensuite de 1820 à 1830.

5.      Les négriers anglais avaient attribué à Peter Quan (Kwan’Ewonde) le statut de « King » pour ses initiatives appropriées à l’égard  des commerçants européens. D’après un rapport de 1788 du navire Britannique Sarah qui sillonnait la côte camerounaise à cette époque, Peter Quan prenait souvent des mesures importantes comme celle obligeant tout navire en partance pour l’ouest de l’inde et ayant jeté son encrage sur le Wuri à donner des compensations (Kumi). (Middlemen of the Cameroons Rivers p.  37 à 38)

6.      Dans une liste révélatrice des paiements effectués par le navire négrierSarah en 1790, figure le King Doo la Makongo qui avait été payé pour la vente de 40 esclaves et avait reçut un « dash ou cadeau ». Figure aussi, le prince Angwa (Muange ma Ku) qui avait été payé pour la vente de 50 esclaves et avait reçu un dash plus important que celui de Doo la Makongo. Aussi, les sujets de Muange avaient également perçu un dash considérable. (Middlemen of the Cameroons Rivers p.  37 à 38)

7.      « Bonewuma », le village du chef Bassa Ewuma Nkul qui régnait sur l’ensemble des familles Bassa du plateau de Bonaku (actuel plateau d’Akwa) se trouvait à l’emplacement du quartier Bonalembe. L’héritier de ce territoire, Ku’a Mapoka, naquit de l’union de Nyake Mbend’Ewuma, petite fille du chef Bassa et de Mapoka ma Ngiy’a Mulobe, l’arrière petit-fils d’Ewale.

8.      Ngando Akwa est né en 1764 de l’union du Prince KWA KUO de la dynastie Angwa de Bonaku et de la Princesse Mionde m’Ewonda Kwan de Bonewonda. Avant d’aller défier le King Bele ba Doo, Ngand’a Kwa prendra le commandement des Bonaku en lieu et place de son cousin Ntoko‘a Muange. Après le partage du pouvoir central, il fédéra l’ensemble des Bonamulobe qui prirent par la suite le nom de Bonambela.

9.      Alfred Saker n’est pas, contrairement aux idées reçues, le fondateur de la mission baptiste au Cameroun. Il est juste de rappeler que c’est un missionnaire protestant d’origine africaineJoseph MERRICK,qui annonça pour la première fois l’Evangile aux camerounais et qui posa les fondations du christianisme au Cameroun.

En effet, partit de Fernando-Pô ou une mission baptiste existait déjà depuis deux ans, ce noir de la Jamaïque débarqua d’abord chez les Duala en novembre 1843. Hébergé chez le King Bell, il passa deux mois au sein de ce peuple riverain, profitant de son séjour pour visiter les Bakoko vivant plus en amont du Wouri. Il se rendit ensuite à Bimbia chez les Isubu en janvier 1844. Ce fut du reste là-bas qu’il établit sa mission, y installant même une petite presse qui lui permit, après acquisition d’un vocabulaire minimum, de publier différents ouvrages scolaires et religieux, notamment la première traduction de la Bible en Isubu. Bien qu’il ne resta pas longtemps au Cameroun, son œuvre fut remarquable. En route pour des congés plus que mérités en Angleterre, il mourut en mer en décembre 1849.

10.  Bien que le vieux dicton Duala « Mbela e putedi te, e si m’esele » (une fois que l’aigle tient sa proie, il ne la lâche plus) semble accréditer les nombreux récits de la tradition orale – qui attribue tantôt à Ewal’a Mbedi, tantôt à Ngiy’a Mulobe ou encore à Ku’a Mapoka l’origine du surnom « Mbela », l’analyse historique montre clairement que le lignage de Mulobe m’Ewale duquel descendent les ancêtres akwa ne prend le nom de « Bonambela » qu’à l’arrivée du protectorat allemand en 1884 sous la houlette du King Akwa Dika Mpondo, signataire plénipotentiaire du traité. En effet, les Akwa se sont inspirés des armoiries du Kamerun allemand, représentant l’aigle royal de l’empire avec en dessous un éléphant, pour créer celles de Bonambela représentant, au-dessus d’un lion, ce même aigle royal adopté comme armoiries et nom de baptême. Les Bonambela se dotèrent en cette circonstance d’un hymne baptisé « Mbela Nyasam », adapté par le conseiller du King Njoh Dibonge de Bonabekombo. Aussi, il est clair qu’aucune source de l’histoire relative à la côte camerounaise et antérieure au traité de 1884 ne mentionne le mot  Bonambela qui, seulement après l’accord Germano-Douala désigna l’ensemble des lignages côtiers assujettis au roi Akwa et à ses ascendants. L’administration Française n’ayant pas reconnu comme telles ces possessions, les propriétés et les frontières des Bonambela furent réduites à la seule circonscription de Douala.

11.  le 6 février 1905, le King Akwa fut condamné à cinq mois de prison avec travaux forcés en dépit de l’accord formel qu’il avait conclu en début d’année 1904 avec l’homme d’affaires Allemand Max Esser. La convention stipulait que ce dernier lui verserait 500 Mark par source de pétrole découvert, en dehors du prix de vente, dans toute sa zone d’influence jusqu’en décembre 1904. Le problème est né du fait que le chef du district von Brauchitsch voulait absolument attribuer à Manga Bell les droits de perception d’un quatrième puits qu’il situait dans le territoire Bell alors que celui-ci se trouvait, à l’instar des trois premiers, dans la zone Bassa (Logbaba) ou le King Akwa et ses ascendants avaient une hégémonie précoloniale.

12.  La plupart des Duala avaient déserté la ville et s’étaient réfugiés dans l’arrière-pays. De là-bas, ils partirent avec leurs pirogues vers les bateaux anglais, prirent sur eux de les guider à travers les eaux côtières nonobstant le coulage par les allemands des bateaux de la « Woermann » pour barrer le chenal. Ils leurs transmirent des informations sur les positions allemande et leur assurèrent que la population était prête à leur accorder toute aide pour l’expulsion des allemands. Certains demandèrent même des armes et leur incorporation militaire. Les allemands savaient que les Duala soutenaient les actions militaires alliés, raison pour laquelle ils prirent des mesures militaires draconiennes pour assurer la surveillance des populations et leur neutralisation. Cela fit des morts et, beaucoup de morts. Une des rares indications chiffrées apparaissant dans un rapport allemand est la pendaison de 180 Duala sur ordre du lieutenant von Engelbrechten.

13.  Dans le partage du Cameroun qui eut lieu en mars 1916, les Anglais obtinrent une bande verticale nord-sud frontalière du Nigeria, représentant environ 1/5e du pays. Tout le reste, soit les 4/5revinrent aux Français ainsi que les zones cédées à l’Allemagne en 1911. L’essentiel de l’organisation administrative allemande fut maintenue et le général Aymérich occupa provisoirement le poste de commissaire de la République jusqu’à la nomination en septembre 1916 de Lucien Fourneau, ex gouverneur du Moyen-Congo. Après la remise de l’ensemble des zones administratives passant sous contrôle Français, le général Anglais DOBELL quitta le Cameroun le 3 avril 1916.

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