Les Mbo, encore appelés Ngoh-Nsongo, sont les peuples originels du département du Moungo
Dans la terminologie constitutionnelle à la mode, on les désignerait par le vocable « autochtones du Moungo » qu’on serait plus précis. L’aire du groupe Ngoh-Nsongo recouvre toutefois le département du Moungo dans la région du Littoral, le Koupé Manengouba, la plus grande partie du département de la Mémé, le nord du Département de Fako dans le Sud-Ouest et à l’Ouest,

les franges occidentales des arrondissements de Santchou et de Kékem. Ses origines historiques sont relatées à la fois par la tradition orale et l’histoire des migrations bantoues. Selon les traditions orales , deux frères, seraient les fondateurs des peuples de la région, Mukula N´songo Ngoh et Mukwele Ngoh Ngoh
Ngoh habitait au sommet du Mont Manengouba, plus précisément à la caldeira d’Eboga. Un jour qu’il allait à la chasse, il trouva une jeune fille du nom de Sumédiang qu’il épousa. Puis arriva une certaine Ngotengang dont la peau était recouverte de gale. Ngotengang parcourait la région à la recherche de l’assistance. Partout où elle passait, on lui refusait l’asile. Mukwele Ngoh et sa femme furent les premiers à 1’accueillir. La nuit venue, elle leur délivra un secret : «la région connaîtra un cataclysme ; vous serez les seuls rescapés». Le secret délivré, Ngotengang disparut. Le cataclysme se produisit. Ngoh et sa femme furent les seuls rescapés. Après le cataclysme, le couple s’installa définitivement à Mwekan, sur le versant occidental du Mont Manengouba. A quelle date se produisit ce miracle de la création ? La légende reste muette là-dessus.
Cependant, elle ajoute que Ngoh avait un cadet du nom de Mukula Nsongo. Sur le plan historique, le peuplement originel des Ngoh et Nsongo est à situer dans le vaste mouvement de migrations bantoues originaires du Congo et arrivées dans le golfe de Guinée vers la fin du XVIIe et les débuts du XVIIIe siècle. Il s’agit du courant Ngoh o Mulongo et de Akube a Mulongo Mulongo ma Sè Tukuru a Manela, un cousin éloigné de Mbedi Mbongo a bèsè ba Diketi la Ngoso a manela et de Ngae Mbongo A bèsè ba diketi la Ngoso a Manela .
La composante de MBEDI elle-même qui remonte l’estuaire du Wouri pour occuper les rives dudit fleuve, tandis que leurs cousins de la composante de NGOH s’installe d’abord dans l’actuelle ville de Limbé au pied du Mont Cameroun, puis émigrent dans un second temps vers l’hinterland à Barombi où ils s’installent autour du lac du même nom, vers l’actuelle ville de Kumba, région du Sud-Ouest. Les fréquentes éruptions volcaniques du char des dieux (Mont Cameroun), très actif au début du XVIIIe siècle, pourraient justifier le repli intérieur des Bakoundou, un peuple de l’eau, qui se voit obligé de quitter la côte atlantique pour le bassin du lac Barombi, non loin des flancs occidentaux du Mont Manengouba. Certains auraient poussé leurs escortes vers le rebord méridional du plateau bamiléké.
Dans la composante bakoundou en question, on retrouve des sous-groupes comme les Balong, les Abo, les Bakossi, les Balondo, etc., qui se réclament aujourd’hui, selon la légende, descendants de Ngoh et Nsongo. On pourrait donc avancer à la confrontation du mythe et de la réalité que Ngoh et Nsongo n’ont pas été engendrés par une mystérieuse alchimie d’un déluge sur les sommets de Manengouba. Ils seraient des descendants bakoundou dont les ancêtres sédentarisés autour du lac Barombi vivaient de la pêche et de petites activités rurales.
L’essor démographique et le milieu naturel aidant, ces populations se seraient dispersées à la recherche de nouveaux espaces vitaux tout en multipliant et diversifiant leur culture du milieu ambiant pour leur adaptation. Ce serait vraisemblablement dans la dispersion des Bakoundou, de la dépression Barombi que les phénomènes Ngoh et Nsongo se seraient installés en guerriers, chasseurs et nomades sur les flancs voisins du Manengouba où ils vont engendrer de nombreux fils dont les familles pétilleront le Moungo originel.
Les Ngoh et Nsongo sont aussi et surtout une culture de la montagne et c’est là leur grande originalité qui tranche un peu avec les autres affinités sawa (populationscôtières). Montagnards, ils croient aux esprits du Koupé et pensent que cette montagne est le berceau mystique de toute l’histoire de l’humanité.
Le Koupé est pour eux le lieu d’échange entre le monde des vivants et celui des morts. Les grands initiés y vont la nuit, mais aucun ne vous dira le lendemain ce qu’il y a fait. La soif des hauteurs, sinon l’habitude de l’altitude et la connaissance des eaux et de leurs messages ont développé chez ce peuple un complexe de supériorité et d’ouverture d’esprit vers le lointain. Peuple de forêts enfin : les Ngoh et Nsongo vivent de l’agriculture, de la chasse et de l´élevage.
La société mbo, à l’instar de la quasi-totalité des communautés de la forêt et du littoral au sud du Cameroun, est bâtie sur le modèle de sociétés segmentaires que d’aucuns ont qualifiées d’ « acéphales ». Le pouvoir politique et administratif est entre les mains du chef de lignage qui n’a d’autorité que sur les membres de sa famille. L’ensemble des lignages qui composent la société entretient entre eux des rapports de voisinage basés sur le principe de l’égalité des droits de différentes familles. La distribution du pouvoir est donc assez diffuse. Dans un tel contexte, on se rend compte que l’institution du chef du village ou du groupement est apparue avec l’organisation de l’Etat moderne, pour remodeler les structures de ces communautés, selon le schéma classique de l’administration, et disposer de relais sûrs à tous les niveaux.
Pour communiquer, les Mbo parlent des dialectes bantous ayant pour dénominateur le Kingala .Le rameau MBO compte dix-huit embranchements plus identifiés comme suit :
Balong, (Mbanga, Mbongue, Nguti , Konye, Mombo, Muyuka)
Babong,(Loum, Tombel)
Bafaw,(Mbongue, Konye, Kumba)
Bakossi,(Nguti )
Bakaka,(Ebone)
Banéka,(Ebone et Nkongsamba, dans des localités telles que Badjoki, Ekangté ou Ngalmoa).
Bassossi,(Nguti,Kumba)
Bafun,(Loum-Sud,Djombe /Penja)
Balondo, (Ekondo titi,Mundemba,Kumba,Manfé)
Manehas,(Manjo,Bakwat)
Manengouba,(flancs du mont Manengouba) ,Elung, Miengge, Mwaménam,
Ninong, Nkongho et Sambo.
Cette différence lexicale, qui relève plutôt de la dispersion géographique des populations, ne présente sur le plan pratique aucune difficulté de communication de fond entre les locuteurs de ces sous-groupes .
Le sobriquet « mbokoki », utilisé par les allogènes pour désigner tous les autochtones de la région, du fait que le koki est le principal mets des Mbo,témoigne de l’unicité ethnique du rameau. L’on ne saurait d’ailleurs oublier que l’administration coloniale avait mis à profit le découpage linguistique poussé à l’extrême pour ses délimitations administratives, notamment cantonales. En maints endroits, les communautés linguistiques qui ne correspondaient bien souvent qu’à des variations dialectales furent considérées comme des ethnies.
Il en est ainsi de cette région de Nkongsamba où des populations apparentées les unes aux autres constituent un vaste réseau clanique inextricable dont les alliances matrimoniales renforcent le tissu social.
Si Manéhas, Mwaménam, Bakaka, Banéka, Baréko, Elong, Mbo, Ninong et Bakossi, etc., peuvent être considérés à la rigueur comme des communautés dialectales distinctes, l’identité ethnique ne saurait en revanche se laisser enfermer dans de si petites unités. On peut cependant grouper ces populations sous l’ensemble « bakossi-mbo ».
Mais comment situer l’origine de l’ethnonyme « Mbo » ?
Les chercheurs de l’époque coloniale allemande, ayant constaté que toutes les langues de la région géographique autour de la chaîne montagneuse Manengouba- Koupé n’étaient à vrai dire que des dialectes d’un seul grand ensemble linguistique et que cet ensemble était par ailleurs indéniablement une seule unité culturelle, se sont mis à chercher un mot de racine commune à tous les sous-groupes. Ils ont trouvé ce mot dans l’appellation donnée à la notion de « pays » ou « habitat ».
C’est ainsi qu’ils ont constaté que dans chacun des 18 sous-groupes de cet ensemble bakoundou, cette notion était traduite par le mot Mbo ou sa variante. Ce mot ne s’est toutefois pas trop affirmé dans le temps dans la région concernée à cause de deux facteurs :
Premièrement, le découpage administratif pendant trois époques coloniales qui s’est soldé par la division de la région en six départements différents (Moungo, Meme, Fako, Menoua et Haut- Nkam puis Koupé-Manengouba sous l’Etat postcolonial).
Deuxièmement, le fort peuplement de la région par les Camerounais allogènes en provenance des autres groupes culturels et linguistiques.
« Mais il reste une vérité culturelle et sociolinguistique que les peuples autochtones de cet ensemble ont été connus dans le passé et ne peuvent être connus dans leur globalité à présent et dans l’avenir que par l’appellation Mbo »,
Luther Moukoury/CP – Contact Rédaction: +237 678894092/ 699451920