King Bell, Ndoumbe Lobe Bell (1839 – 1897) à Douala vers 1874
Comme nous l’avions évoqué récemment dans un post sur les premiers photographes africains qui ont immortalisé le Cameroun, d’après l’ouvrage “Visual Anthropology” de David Zeitlyn, la première photo prise par un photographe professionnel africain au Cameroun remonterait à 1874 et serait cette photo célèbre de King Bell à Douala, assis sur un tabouret, adossé à un mur, prise en condition professionnelle, compte tenu du décor qui pourrait ressembler à un fond de studio.
Cette photo pourrait avoir été prise par Gerhard Lutterodt, photographe ghanéen, dont le studio était à Batanga près de Kribi, et qui a immortalisé le Cameroun et surtout Douala durant la période 1870 à 1880.
Mais cela pourrait être aussi le camerounais William Mudisa Bell, certainement membre de la famille Douala Bell, dont on retrouve le cachet au dos de photos faites pour la mission de Bâle.King Bell était le chef de file du peuple Duala au sud du Cameroun pendant la période où les Allemands ont établi leur colonie du Kamerun. Il a régné de 1858 à 1897.
Ndumbe Lobé Bell a succédé à son père Lobé Bebe Bell en 1858, quand il était âgé d’environ vingt ans.
Entre 1872 et 1874 il y avait un conflit entre les factions Akwa et Bell, sur une tentative de Bonapriso de se séparer de Akwa. King Bell a été soutenu par Deido, qui était devenu indépendant de Akwa.Entre 1882 et 1883, juste avant l’annexion allemande, une violente dispute a éclaté entre King Bell et trois de ses frères, soutenus par Akwa et Bonabéri. Ces luttes étaient nuisibles pour le commerce et l’expansion économique des Bell.
A la fin du 19ème siècle malgré que les Anglais soient les européens les plus présents au Cameroun, le pays devient une colonie allemande.
Pour éviter d’autres actes de rébellion comme il a connu avec les Bonaberi, King Bell demande la protection des allemands afin de renforcer son autorité et ses positions sur le commerce intérieur.Le 12 Juillet 1884, le roi Ndumbe Lobé Bell et King Akwa ont signé un traité dans lequel ils ont attribué les droits souverains, la législation et l’administration de leur pays aux entreprises Woerman et Jantzen & Thormählen, représentées par les marchands Edward Schmidt et Johann Voss.
Ce traité comportait des conditions pour que les contrats existants et les droits de propriété du roi soient maintenus, les coutumes existantes respectées et que l’administration allemande continuerait de payer l’impôt commercial aux rois comme avant.King a reçu 27.000 marks, en échange de la signature du traité, une très grosse somme pour l’époque.
Dans une lettre au Comte de Derby, datée du 30 Septembre 1884, le roi Bell a expliqué les raisons pour lesquelles il a accepté l’offre allemande. Il dit “Après vous avoir écrit, à travers les Consuls anglais sur la côte ouest, à plusieurs reprises, durant plus de cinq ans, des lettres dans lesquelles j’attends anxieusement de savoir si le gouvernement anglais pourrait annexer mon pays, je n’ai reçu aucune réponse. Par désespoir j’ai donc conclu que ni les consuls, et encore moins le gouvernement anglais n’était intéressé par mon pays … “.
Les dirigeants de Bonabéri et Bonapriso avaient refusé de signer le traité de protectorat allemand en Juillet 1884.King Bell avait déclaré au vice-consul britannique Buchan, que les sous-chefs préféreraient la domination britannique, mais qu’ils attendaient de voir ce que les Allemands offriraient.
En Décembre 1884, les forces de Bonabéri et Bonapriso attaquèrent et incendièrent Bell Town.On pouvait lire dans les journaux de l’époque que les commerçants anglais avaient monté les sous-chefs de Joss Town (Bonapriso) et Hickory Town (Bonabéri) contre le roi Bell, en disant qu’il avait omis de transmettre leur juste part de l’argent qu’il avait reçu des Allemands.
Le représentant allemand, Max Buchner interviendra pour restaurer la paix, en attaquant Bonabéri et Bonapriso où 25 camerounais et un allemand furent tués au cours de ces combats. L’amiral de l’escadre navale assuma la responsabilité jusqu’à ce que le premier gouverneur allemand, Julius Von Soden, arrive en Juillet 1885.
Les relations du roi Bell avec le premier gouverneur n’étaient pas fameuses. Von Soden était chargé d’éliminer la dominance du commerce du Roi Bell dans la vallée de Mungo au nord-ouest de Douala, en aidant la firme Jantzen et Thormählen à se développer dans cette région pour démarrer des plantations et y établir un comptoir commercial.
Le fils du roi Bell, Auguste Manga Ndumbè, instruit et anglophone a même été exilé au Togo pendant deux ans, où il se lia d’amitié avec le commissaire allemand Eugen von Zimmerer.Lorsque Von Zimmerer remplace Von Soden en tant que gouverneur de la colonie Kamerun en 1890, les relations avec le roi Bell vont s’améliorer.Auguste Manga Ndumbè a pris soin de cultiver l’amitié des fonctionnaires supérieurs allemands à Douala, ce qui va l’aider à obtenir leur soutien pour les intérêts des Bell, tandis que le chef Akwa n’a pas réussi à gagner la confiance des colonialistes.
Sous Von Zimmerer, les allemands abandonnent les tentatives pour commercer dans la région principale de commerce des Bell dans la vallée de la Mungo River et se tournent vers la Sanaga, où ils vont restreindre tout le commerce des indigènes, ce qui va désavantager et appauvrir les Akwa.
Les européens qui ont décrit la situation à Douala pendant la période avant et après l’annexion coloniale sont formels, ils respectaient le roi Bell et son fils héritier Manga, alors qu’ils délaissaient son rival, le roi Dika Mpondo Akwa.
Le Roi Bell a été décrit comme un homme digne et éduqué. Bien qu’il y ait plus d’habitants dans la faction Akwa, les Bell ont eu plus de succès dans le commerce et en ont tiré des gains plus élevés que les Akwas après l’annexion.
Le Roi Bell avait réussi à éliminer les intermédiaires dans le commerce avec Mungo, augmentant considérablement ses profits.En dépit de ses excellentes relations commerciales et sa politique astucieuse et très réussie au cours d’une période de bouleversements sociaux, le roi Bell a été la cible de préjugés racistes entre Européens de cette époque.
Quand le roi Ndumbe Lobé de Bell est mort en Décembre 1897, son fils Manga Ndumbe Bell a hérité de son poste et son salaire.
Source Middlemen of the Cameroons Rivers: The Duala and Their Hinterland, C.1600-c.1960. Par Ralph A. Austen, Jonathan Derrick.
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