Figure emblématique, héros et martyr de la lutte pour l’indépendance du Cameroun au sein de l’UPC Union des populations du Cameroun.
Il était l’un des principaux acteurs de la guerre civile à partir de l’indépendance en 1960 lorsque le parti déclencha une insurrection pour renverser le nouveau régime.
Condamné et exécuté sur la place publique à Bafoussam le 15 Janvier 1971, en compagnie de Raphael Fotsing et de Gabriel Tabeu dit « Wambo le courant ».
Ernest Ouandié est né en 1924 à Badoumla, arrondissement de Bana (Haut-Nkam) mais serait originaire de Bangou dans les Hauts-Plateaux.
Il fait ses études à Bafoussam, Dschang et en 1940, il est reçu au certificat d’études primaires élémentaires, puis au concours d’entrée à l’école primaire supérieure de Yaoundé où il obtient le diplôme des moniteurs indigènes (DMI).
Il enseigne à Edea puis Dschang et en 1948 il adhère à l’UPC et il est affecté à Douala comme directeur de l’école publique du quartier New-Bell Bamiléké.
Fervent militant de l’UPC, en 1952 il quitte sa famille pour mener pleinement son engagement et devient vice-président de l’UPC chargé de l’organisation et directeur de la « Voix du Cameroun ».
En 1954 il s’exile au Cameroun Occidental et créé le syndicat des enseignants à Edea.
Le 3 juin 1957, le gouvernement britannique interdit l’UPC.
Ernest Ouandié est alors expulsé du Cameroun occidental et déporté à Khartoum (Soudan) avec Félix-Roland Moumié, Abel Kingué et dix autres militants nationalistes (UPC, UDEFEC et JDC).
En 1960, il rencontre Albert Mukong à Accra, qui l’encourage à cesser la lutte armée maintenant que l’indépendance est acquise et à participer aux élections de 1960, ce à quoi était favorable Félix Moumié, mais Ouandié refuse puis la guerre civile commence.
Cette même année il rencontre également Nelson Mandela au Caire à qui il enjoint d’engager la lutte armée contre l’apartheid.
À la suite de l’assassinat de Félix-Roland Moumié le 3 Novembre 1960, Ernest Ouandié lui succède à la présidence de l’UPC.
En janvier 1961, il se rend au Caire en compagnie d’Abel Kingué pour rencontrer les autorités égyptiennes.
À cette occasion, ils dénoncèrent la coopération du gouvernement camerounais avec l’« impérialisme » .
Le 21 juillet 1961, il revient clandestinement au Cameroun depuis la frontière nigériane et prend les commandes de l’armée de libération nationale kamerunaise (ALNK) qu’il réorganise.
Il annonce la dissolution des anciennes structures militaires et la mise en place d’une nouvelle hiérarchie, dont la direction est confiée à David Kana.
Le 13 septembre 1962 il préside dans le maquis une assemblée populaire qu’il a convoquée. La décision de création du Comité révolutionnaire comme direction provisoire de l’UPC est prise.
Il est décidé de la création d’un état-major de l’ALNK.
Ernest Ouandié est arrêté le 19 août 1970 à Mbanga, dans le Moungo.
Il est aussitôt conduit dans les locaux de la Brigade mixte mobile (BMM) à Kondengui, près de Yaoundé, tristement célèbre pour ses salles de torture et dont le chef, Jean Fochivé.
Lors de sa détention dans les locaux de cette police secrète paramilitaire, il partagera la cellule d’Albert Mukong, ancien secrétaire général du One Kamerun de Ndeh Ntumazah et, en tant que tel, habitué des prisons politiques.
Le 28 Décembre 1970 il comparait devant le tribunal militaire de Yaoundé en compagnie de Mgr Albert Ndongmo et de 26 autres coprévenus pour avoir, dans l’étendue de la région administrative de l’Ouest et du département du Mungo, courant 1961 à 1970, en tout cas dans le temps légal des poursuites :
« Tenté par la violence de modifier les lois constitutionnelles ou de renverser les autorités politiques instituées par lesdites lois ou de les mettre dans l’impossibilité d’exercer leurs pouvoirs ;
Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, organisé, commandé des bandes armées dans le but de provoquer la guerre civile et de commettre la révolution ;
Dans les mêmes circonstances de temps et de lieu et dans l’exécution des faits ci-dessus analysés, commis ou fait commettre des assassinats, des incendies, des arrestations et séquestrations de personnes, des pillages en bande ;
De s’être dans les mêmes circonstances de temps et de lieu rendus complices desdits crimes. »
A l’ouverture des débats, Ernest Ouandié est privé de ses avocats qui n’ont pas pu obtenir de visa pour se rendre au Cameroun et assurer sa défense, et ayant récusé Maître Orcel, son avocat commis d’office, il déclarera au président du tribunal qu’il lui est impossible d’être jugé, que le gouvernement veut l’abattre et que ce procès est une forfaiture.
Passant outre, le président fera donner lecture par le greffier de l’ordonnance de renvoi, qui précisait notamment que:
« […] le bilan des opérations de rébellion est très éloquent.
On compte en effet depuis 1961 jusqu’en 1970 : 47 militaires, 69 gardes civiques et 962 civils tués, 448 personnes enlevées, 114 militaires et 458 civils blessés, 2 269 cases et 56 véhicules incendiés. Tandis que le nombre connu des hors-la-loi tués par les forces régulières dans la même période est de 3 852.
C’est grâce au soutien sans réserve de quelques citoyens menant une vie apparemment paisible, surtout à celui de M. l’abbé Ndongmo devenu évêque qu’Ouandié n’a pu être mis hors d’état de nuire depuis 1961.
Comme tout a des limites, même l’infini, ce criminel a été capturé le 19 août 1970 par les populations des environs de Mbanga, en l’absence de son puissant protecteur.
Ainsi la duplicité de ce prélat s’annonce très dangereuse, car Mgr Ndongmo qui s’est caché dans sa soutane d’homme de l’Eglise a pris fait et cause pour Ouandié Ernest en le protégeant, en collaborant avec lui, en l’assistant matériellement et moralement et spirituellement même dans ses activités plus criminelles que réellement révolutionnaires. »
« Ouandié Ernest en sa qualité de vice-président de l’UPC, a pris le commandement des maquis du territoire en 1961 pour continuer la lutte révolutionnaire engagée par ce qu’on a appelé « Armée de libération nationale kamerounaise » ;
que cette lutte avait pour but essentiel de faire abdiquer le pouvoir par les autorités en semant la terreur dans les populations par des assassinats, des meurtres, des incendies, des vols, des pillages, des enlèvements de personnes ;
que c’est grâce au soutien sans réserve accordé par Mgr Ndongmo qui comptait exploiter cette occasion pour accéder à la magistrature suprême, que Ouandié a résisté aux opérations montées et effectuées par toutes les forces régulières du pays. »
Appelé à la barre par le président pour être interrogé sur les faits qui lui étaient reprochés, Ernest Ouandié déclara:
qu’ « il s’agit d’un jugement de pure forme » et refusa de s’exprimer, maintenant son refus tout le long des débats.
Le verdict fut prononcé le 5 janvier 1971 :
– 10 relaxes (Nguémeni Léon, Wansi Bolofan Pascal, Tchouandé Christophe, Nguémeni Michel, Yimo Timothée, Poualeu Victor, Movo Jean, Ther Monique, Kamdem Kanga et Simo Luc).
– 9 condamnations à 5 ans de détention (Nana Maurice, Ngakéa Gabriel, Ténéwa Emmanuel, Kiengaing Louis, Sadefo Joseph, Tuntcheu Emmanuel, Ngamo Pierre, Fondjo Simo et Njilla Joseph).
– 3 condamnations à 10 ans de détention (Minkam Robert, Tchakonté David, Seutio Abraham).
– 2 condamnations à 20 ans de détention (Tenkeu Laurent et Djoumessi Mathieu).
– 1 condamnation à perpétuité (Mgr Albert Ndongmo).
– 3 condamnations à mort :
Ernest Ouandié,
Matthieu Njassep (dit « Ben Bella », maquisard et secrétaire particulier de Ouandié)
et Fotsing Raphaël (maquisard et agent de liaison entre Ouandié et Mgr Ndongmo).
Ernest Ouandié a été fusillé en place publique le 15 janvier 1971 à Bafoussam, avec le jeune Raphaël Fosting, son compagnon d’armes au maquis, et Gabriel Tabeu dit « Wambo le Courant », fondateur et responsable politico-militaire du mouvement de la « Sainte Croix pour la libération du Cameroun », condamné à mort le 6 janvier 1971 dans le second procès ouvert contre Mgr Ndongmo.
Ce triste 15 Janvier 1971 à 11h sur la grande place de Bafoussam, les habitants sont rassemblés en silence.
Ernest Ouandié est menotté et escorté par une escouade de soldats camerounais. Il avance avec fière allure, son visage ne laisse transparaître aucune inquiétude, au contraire on le sent plutôt détendu et joyeux.
L’instant est douloureux en même temps historique.
Ernest Ouandié refuse de se faire bander les yeux.
Avant d’être exécuté, Ernest Ouandié prononce quelques paroles qui vont sonner comme l’appel à lutter pour la liberté.
Il exprime toute sa fierté et sa gratitude d’avoir combattu pour l’intérêt de son pays, tout en prophétisant que le combat était loin d’être terminé, mais que d’autres prendront le relais jusqu’à la victoire finale.
Après avoir chanté, l’ordre fut donné de tirer.
Les premiers tirs sont mortels pour Gabriel Tabeu alias Wambo le Courant et de Raphaël Fotsing ses deux camarades.
Quant à Ernest Ouandié, il ne meurt pas sur le coup, il aura le temps de crier « Que vive le Cameroun ».
Le 27 juin 1991, il fut déclaré héros national par l’Assemblée nationale du Cameroun.
La loi no 91/022 du 16 décembre 1991 le réhabilitera, celui-ci ayant « œuvré pour la naissance du sentiment national, l’indépendance ou la construction du pays, le rayonnement de son histoire ou de sa culture. »