Ethique et déontologie : La responsabilité des médias d’Etat en question
Cameroon tribune et la Crtv se sont faits les relais d’une déclaration aux antipodes de l’idéal national.

La publication lundi dernier dans les colonnes de Cameroon tribune, quotidien gouvernemental, de l’intégralité de la déclaration belliciste des élites du Mfoundi, véritable appel à la haine et exacerbant les clivages tribaux, nous a conduits à solliciter une interview du ministre de la Communication, si prompt à "recadrer" les médias privés dont il remet en cause, depuis sa prise de fonction, le professionnalisme et la responsabilité. Les trois questions que nous souhaitions soumettre à son attention étaient les suivantes : "Comment réagissez-vous à la déclaration mentionnée ci-haut des "forces vives du Mfoundi ? Cette publication faite par Cameroon tribune contribue t’elle à apaiser les tensions et aider le dialogue entre les parties comme vous le souhaitiez ? En tant qu’autorité de tutelle, quelles mesures pourriez-vous prendre pour garantir la neutralité et la prise en compte de l’intérêt général dans les médias publics ?"
Au téléphone, Jean Pierre Biyiti bi Essam, qui masquait difficilement son embarras à s’exprimer sur cette déclaration querellée digne des appels diffusés sur la radio des Mille-collines à la veille du génocide rwandais, nous a signifiés qu’il ne répondait pas aux interviews en ce moment. Grande a été notre surprise de l’écouter quelques minutes après notre échange, interviewé sur radio France International. On apprendra tout de même de sources proches du cabinet du ministre de la Communication qu’il a rencontré dans la journée d’hier les principaux responsables des médias d’Etat placé sous sa tutelle (Crtv et Sopecam) et leur a réitéré l’impératif qu’il y avait pour tous de ne pas souffler sur les braises et la vigilance qu’il fallait garder, que ce soit pour des "informations émanant de notre camp ou de celui d’en face" (sic).
Une vigilance dont a fait preuve, selon nos informations, Augustin Charles Mbia, présentateur du journal de 20h sur la Crtv-radio vendredi soir. Il s’est refusé à lire une déclaration dont la gravité du ton ne lui a pas échappé. Le directeur général de la Sopecam, société éditrice de Cameroon tribune, Marie-Claire Nnana, que nous avons contacté pour comprendre comment les appels à la guerre des "forces vives du Mfoundi" avaient trouvé écho dans ses colonnes, a renvoyé la responsabilité exclusive aux signataires de la déclaration. "Je vous ai dit je ne débattrai pas de cette question avec vous ; les rédacteurs de cette déclaration sont clairement identifiés, c’est à eux qu’il faut vous adresser. Vous vous trompez d’interlocuteur", a-t-elle réagi au téléphone. Interpellée sur la responsabilité éditoriale qui est la sienne en rapport avec les contenus d’une publication dont elle a la responsabilité conformément à la loi régissant la communication sociale au Cameroun, notre consœur a prestement mis fin à l’échange.