
SUCCESSION des ROIS et CHEFS SUPERIEURS AKWA (Par Prince Ngando EBONGUE AKWA)
1.1 Naissance de la dynastie Akwa – NGAND’a KWA (1801 – 1846)
Une fragile unité politique des Duala stricto sensu, c’est-à-dire descendants des ancêtres EWALE et BOJONGO’a MBEDI, s’était construite vers le milieu du XVIIIe siècle autour du Patriarche DOO la MAKONGO de la branche « NJO’ a MASE m’EWALE(3) ». Il avait hérité de la fusion des familles Bassa du plateau qui portera plus tard son nom et avait été baptisé « King George »(4) par les capitaines négriers anglais. Ces derniers lui assignaient donc les fonctions d’une puissance politique chargée de garantir l’ordre et la sécurité. Devenant un des principaux interlocuteurs politiques du clan face aux traitants européens, « King George » transformé en « King Joss » par les autochtones disposait d’un revenu régulier qu’il pouvait redistribuer parmi les aînés sociaux et consolider son leadership. Les quatre autres personnalités influentes de cette époque dont les noms figurent dans les livres de bord de navires comme traitants étaient le chef KWAN EWONDE(5) que les négriers anglais surnommaient « Peter Quan » ; le prince ANGWA(6) de son vrai nom MUANGE ma KU, fils de KU’a MAPOKA qui hérita du territoire du chef Bassa EWUMA(7) et fonda la dynastie Angwa de Bonaku ; le chef MBIMB’a MBELA alias « King Mercer », fondateur de la principauté de « Bimbia » chez les Isubu et son fils NGOMBE la MBIMB’a MBELA alias « Mbimbe Jack ». Les deux premiers étant issus de la branche « NGIY’a MULOBE m’EWALE ».
A la mort du « King Joss » en 1792, la bataille de succession qui opposa son fils aîné NJOH a DOO que les commerçants anglais appelaient « Prince Joss » transformé en « Priso », à son frère cadet BELE ba DOO anglicisé en « Bell » plongea la grande chefferie de Bonanjo dans une incertitude totale.
En effet, le verdict en faveur du frère cadet suite à l’arbitrage des capitaines de navires anglais appelés en dernier recours par les notables les plus influents ne fit qu’aggraver leurs dissensions. Il contribua logiquement à la naissance en 1795 de la dynastie Bell fondée par BELE ba DOO qui succéda à son père et se gratifia du titre de « King Bell », mais surtout renforça l’intransigeance des « Bonapriso » qui résistaient opposés à toute normalisation de la vie politique.
Au cours de cette année 1795, une révolution de palais éclatait à Bonéwonda suite au décès du chef Peter QUAN. Un jeune caïman à l’affut nommé NGAND’a KWA(8) rétablira d’abord l’ordre à Bonakwan, le lignage régnant chez les « Bonamulobe », et profitera ensuite de l’affaiblissement du pouvoir des « Bonadoo » pour mettre un terme au pouvoir absolu. En effet, à la suite d’une stratégie bien orchestrée par ses partisans de la branche « MULOBE m’EWALE » dont il était le nouveau leader, le jeune NGAND’a KWA contraignit en 1801 le King BELE ba DOO au partage du pouvoir.
Pour la petite histoire, le schisme se produisit au cours d’une assemblée ordinaire des chefs et notables Duala qui avait lieu sur la grève caillouteuse de la pointe de Bonaberi « Dibo la Senge ». NGANDO se leva, salua l’assemblée, s’approcha du King BELE ba DOO, et lui dit : « Sache qu’à partir de ce jour, la mer qui s’étend devant nous appartient désormais à tous les deux NGANDO et BELE. » Il reçut aussi dans l’ombre le soutien des capitaines de navires négriers anglais pour qui toute scission du clan offrait de meilleures opportunités d’affaires. Le principe étant de diviser pour mieux commercer.
Ayant divisé la famille, une dyarchie politique s’installait de fait à la tête du vieux Cameroun dorénavant scindé en Bell-Town et Akwa-Town. Même si les deux monarques se disputaient la prépondérance, la gestion des affaires communes reposait sur une collaboration fraternelle. Pour cela, on procédait toujours avant chaque séance à un rituel. C’était « l’Esa Mboa », une cérémonie purificatrice ayant pour but d’écarter les obstacles qui pourraient entraver la bonne marche du clan afin de faire prédominer l’union et la compréhension. On assista alors à l’avènement de la prodigieuse dynastie AKWA dont le rayonnement allait fortement marquer l’histoire politico-économique du vieux et du nouveau (1884) Cameroun.
(Période pré-consulaire 1807 – 1849)
Lorsque par un curieux retournement de l’histoire, la Grande-Bretagne déclara la traite des noirs illégale dans le golfe de Guinée le 1er janvier 1807, elle entreprit aussitôt de faire reposer l’activité commerciale sur le développement de produits réglementaires, d’initier la guerre contre les trafiquants en jouant le rôle de gendarme et en ralliant les autres puissances à sa cause. Il leur fallu alors gérer les conséquences sociales et politiques de cette soudaine mutation commerciale qui contrariaient leurs affaires intérieures et leurs relations extérieures.
Ainsi, les nouveaux rapports commerciaux qui se développèrent entre officiers de la Royal Navy et chefs côtiers furent constamment appuyés par des relations diplomatiques et d’ordre moral, mais aussi de contrainte, voir de guerre pour que cesse l’odieux trafic. Devenant par ce fait sujet de Sa Majesté, les chefs les plus influents n’assumaient plus seulement pour leur territoire, les fonctions de « King ou Consul » qui était la reconnaissance officielle comme pouvoir exécutif, mais assumaient aussi et principalement celles de précieux intermédiaires de l’abolition de l’esclavage transatlantique et non plus de la traite. La société secrète « Mungui », qui faisait office de police politique chez les DUALA, fut mise à contribution par les Kings NGAND’a KWA et BELE ba DOO aux fins de signaler aux croiseurs de Sa Majesté, la présence de tout bateaux négriers dans les eaux territoriales. Les ports de « Freetown » en Sierra Leone et « Clarence » à Fernando-Po, respectivement colonie britannique depuis 1808 et 1827 servaient de base anti esclavagiste à la Royal Navy.
NGANDO AKWA fut honoré en 1814 du titre nobiliaire de « King Akwa » pour son territoire et l’ensemble des localités côtières sous son influence, parle commandant d’un des bâtiments de la royal Navy en mission à la rivière Cameroun au nom de sa majesté le Roi GEORGES III.
NGANDO avait bâti un empire commercial le long de la côte atlantique en implantant ses succursales et ses hommes dans tous les ports stratégiques (Bata, Manoka, Mbimbia, Tiko, Bota, Rio del Rey). C’est lui qui accueillit en juin 1845 le missionnaire baptiste Alfred SAKER(9) qu’il hébergea dans sa Cour et lui offrit un petit terrain pour construire la première Eglise camerounaise nommée « BETHEL ». Les liens furent tels qu’à la mort du grandissime AKWA en juillet 1846, c’est au pasteur Alfred SAKER qu’il confia l’exécution de son testament.