Hier à Nkongsamba, le Tgi du Moungo a également condamné l’artiste à payer 280 millions de dommages intérêts.
Eugène Dipanda, à Nkongsamba

Avant d’en arriver là, le rendez-vous de Lapiro de Mbanga avec les juges hier, était d’abord consacré au délibéré du Tgi sur la culpabilité de l’accusé, tel que décidé au cours de la dernière audience tenue au mois d’août 2008. Ainsi, contrairement à l’acte d’accusation qui avait formulé un ensemble de six crimes imputés à l’artiste, le Tgi n’en a finalement retenu que trois. Lapiro de Mbanga a, en effet, été reconnu non coupable des délits de "complicité d’incendie volontaire, de complicité dégradation des biens publics ou classés, et de complicité de destruction des biens".
Chante
N’empêche. Par la voix du procureur Bifouna Ndongo, le ministère public a requis "une peine qui devrait servir de leçon" contre Lapiro de Mbanga. Pour l’infraction de complicité de pillage en bande, notamment, ce dernier a rappelé que la loi condamne de 10 à 20 ans d’emprisonnement ferme celui qui est reconnu coupable ou complice de ce délit. "L’artiste est tombé dans son propre piège. Il y a quelques années, il a chanté "No make erreur". Aujourd’hui, il faudrait peut-être qu’il chante "Plus jamais ça", afin que tout les casseurs retiennent la leçon", a ironisé le ministère public. Lequel, en fin de compte, a souhaité que le collège des juges prononce une peine minimale de 10 ans de prison ferme contre Lapiro de Mbanga, conformément à ce que prévoit la loi.
Mais avant ce réquisitoire, un nouvel acteur est entré en jeu en qualité de partie civile. Il s’agit du Cdi de Mbanga, qui a délégué un de ses représentants à l’audience d’hier, pour venir demander une réparation de 80 millions Fcfa représentant, selon le mandataire, le préjudice matériel subi au cours des émeutes de février dernier. Et le ministère public ne s’est d’ailleurs pas fait prier, malgré la contestation de cette "constitution tardive, au moment où les débats ont été clos" selon la défense, pour soutenir la demande formulée par le centre des Impôts de Mbanga. De même que le procureur a jugé recevable la demande de 1 milliard Fcfa émise par la Spm lors de l’audience d’août.
Une imposture, de l’avis des avocats de la défense, qui ont soutenu que la Spm n’a jamais formellement porté plainte contre Lapiro de Mbanga ; que cette société s’était déjà constituée partie civile dans d’autres procédures concernant les émeutes de février ; et que, en conséquence, leur accorder pareille somme serait assimilable à un "enrichissement sans cause". Pour ce qui est de la demande du Cdi de Mbanga, Me Augustin Mbami et ses confrères ont estimé que c’est le ministère des Finances, en tant que tutelle des Impôts, qui devrait manifester l’envie d’obtenir réparation d’un éventuel préjudice subi, et non le Cdi, qui, de leur avis, n’en a pas qualité.
Sam Mbende
Concernant la peine à infliger à leur client, les avocats de la défense ont globalement plaidé les circonstances atténuantes en faveur de Lapiro de Mbanga. "A 51 ans, notre client a un casier judiciaire vierge", ont-ils notamment argumenté. "Compte tenu du contexte dans lequel notre client est poursuivi, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une affaire politique. Certaines personnes semblent avoir intérêt à salir Lapiro de Mbanga afin qu’il ne puisse plus jamais rien entreprendre dans le domaine politique", a par ailleurs relevé Me René Manfo.
Pour Me Augustin Mbami, "Les principaux auteurs des émeutes ont été condamnés en matière correctionnelle par le Tribunal de première instance de Mbanga. D’où vient-il donc que le complice présumé, lui, soit plutôt poursuivi en matière criminelle au Tgi du Moungo ? En plus, ces vrais criminels ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Pourquoi devrait-on donc châtier le complice présumé plus durement que le principal accusé ; alors que la loi prévoit que ce dernier soit, au plus, puni de la même peine ?", s’est-il interrogé.
Des arguments qui, au regard du verdict rendu, ne semblent pas avoir véritablement convaincu le tribunal. Quoique, comme l’a affirmé le juge, Lapiro de Mbanga a bénéficié de "larges circonstances atténuantes". Ce qui, à l’observation, ne semble guère persuader les artistes présents à Nkongsamba. "Les charges qui ont été retenues contre Lapiro de Mbanga ne sont pas assez claires. Mais nous sommes obligés de respecter la décision du juge, même s’il faudra aussitôt interjeter appel et, pourquoi pas, épuiser toutes les voies de recours. Parce que ce jugement est très sévère. On ne peut pas faire appel à un pompier pour qu’il vienne en aide à la maison du voisin qui brûle, et que ce dernier essaye d’éteindre le feu sur deux ou trois chambres pendant que le reste de la maison brûle ; et qu’en fin de compte, on fasse de lui le pyromane. J’ose croire qu’il ne s’agit pas d’un procès politique…", s’est notamment indigné l’artiste Sam Mbendè.