Verdict : 3 ans de prison pour Lapiro de Mbanga

par mboasawa



Hier à Nkongsamba, le Tgi du Moungo a également condamné l’artiste à payer 280 millions de dommages intérêts.
Eugène Dipanda, à Nkongsamba


Des larmes de son épouse, immanquablement. Mais aussi une sorte de tristesse et de déception déchiffrables sur les regards des avocats de la défense et des artistes présents à l’audience criminelle du Tribunal de grande instance (Tgi) du Moungo hier, mercredi 24 septembre 2008. Après plus de cinq mois de procédure judiciaire, Lambo Sandjo Pierre Roger, plus connu sous le pseudonyme de Lapiro de Mbanga, a été condamné à trois ans de prison ferme. Il a été reconnu coupable des crimes de "complicité de délit d’attroupement, de complicité d’obstacle à la voie publique, et de complicité de pillage en bande". L’artiste et non moins homme politique devra par ailleurs payer la rondelette somme de 280 millions de Fcfa au titre de dommages et intérêts que le Tgi du Moungo a accordés aux parties civiles ; soit 200 millions Fcfa pour la Société des plantations de Mbanga (Spm), et 80 millions Fcfa pour le Centre divisionnaire des impôts (Cdi) de Mbanga.

Avant d’en arriver là, le rendez-vous de Lapiro de Mbanga avec les juges hier, était d’abord consacré au délibéré du Tgi sur la culpabilité de l’accusé, tel que décidé au cours de la dernière audience tenue au mois d’août 2008. Ainsi, contrairement à l’acte d’accusation qui avait formulé un ensemble de six crimes imputés à l’artiste, le Tgi n’en a finalement retenu que trois. Lapiro de Mbanga a, en effet, été reconnu non coupable des délits de "complicité d’incendie volontaire, de complicité dégradation des biens publics ou classés, et de complicité de destruction des biens".

Chante
N’empêche. Par la voix du procureur Bifouna Ndongo, le ministère public a requis "une peine qui devrait servir de leçon" contre Lapiro de Mbanga. Pour l’infraction de complicité de pillage en bande, notamment, ce dernier a rappelé que la loi condamne de 10 à 20 ans d’emprisonnement ferme celui qui est reconnu coupable ou complice de ce délit. "L’artiste est tombé dans son propre piège. Il y a quelques années, il a chanté "No make erreur". Aujourd’hui, il faudrait peut-être qu’il chante "Plus jamais ça", afin que tout les casseurs retiennent la leçon", a ironisé le ministère public. Lequel, en fin de compte, a souhaité que le collège des juges prononce une peine minimale de 10 ans de prison ferme contre Lapiro de Mbanga, conformément à ce que prévoit la loi.

Mais avant ce réquisitoire, un nouvel acteur est entré en jeu en qualité de partie civile. Il s’agit du Cdi de Mbanga, qui a délégué un de ses représentants à l’audience d’hier, pour venir demander une réparation de 80 millions Fcfa représentant, selon le mandataire, le préjudice matériel subi au cours des émeutes de février dernier. Et le ministère public ne s’est d’ailleurs pas fait prier, malgré la contestation de cette "constitution tardive, au moment où les débats ont été clos" selon la défense, pour soutenir la demande formulée par le centre des Impôts de Mbanga. De même que le procureur a jugé recevable la demande de 1 milliard Fcfa émise par la Spm lors de l’audience d’août.
Une imposture, de l’avis des avocats de la défense, qui ont soutenu que la Spm n’a jamais formellement porté plainte contre Lapiro de Mbanga ; que cette société s’était déjà constituée partie civile dans d’autres procédures concernant les émeutes de février ; et que, en conséquence, leur accorder pareille somme serait assimilable à un "enrichissement sans cause". Pour ce qui est de la demande du Cdi de Mbanga, Me Augustin Mbami et ses confrères ont estimé que c’est le ministère des Finances, en tant que tutelle des Impôts, qui devrait manifester l’envie d’obtenir réparation d’un éventuel préjudice subi, et non le Cdi, qui, de leur avis, n’en a pas qualité.

Sam Mbende
Concernant la peine à infliger à leur client, les avocats de la défense ont globalement plaidé les circonstances atténuantes en faveur de Lapiro de Mbanga. "A 51 ans, notre client a un casier judiciaire vierge", ont-ils notamment argumenté. "Compte tenu du contexte dans lequel notre client est poursuivi, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une affaire politique. Certaines personnes semblent avoir intérêt à salir Lapiro de Mbanga afin qu’il ne puisse plus jamais rien entreprendre dans le domaine politique", a par ailleurs relevé Me René Manfo.
Pour Me Augustin Mbami, "Les principaux auteurs des émeutes ont été condamnés en matière correctionnelle par le Tribunal de première instance de Mbanga. D’où vient-il donc que le complice présumé, lui, soit plutôt poursuivi en matière criminelle au Tgi du Moungo ? En plus, ces vrais criminels ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Pourquoi devrait-on donc châtier le complice présumé plus durement que le principal accusé ; alors que la loi prévoit que ce dernier soit, au plus, puni de la même peine ?", s’est-il interrogé.

Des arguments qui, au regard du verdict rendu, ne semblent pas avoir véritablement convaincu le tribunal. Quoique, comme l’a affirmé le juge, Lapiro de Mbanga a bénéficié de "larges circonstances atténuantes". Ce qui, à l’observation, ne semble guère persuader les artistes présents à Nkongsamba. "Les charges qui ont été retenues contre Lapiro de Mbanga ne sont pas assez claires. Mais nous sommes obligés de respecter la décision du juge, même s’il faudra aussitôt interjeter appel et, pourquoi pas, épuiser toutes les voies de recours. Parce que ce jugement est très sévère. On ne peut pas faire appel à un pompier pour qu’il vienne en aide à la maison du voisin qui brûle, et que ce dernier essaye d’éteindre le feu sur deux ou trois chambres pendant que le reste de la maison brûle ; et qu’en fin de compte, on fasse de lui le pyromane. J’ose croire qu’il ne s’agit pas d’un procès politique…", s’est notamment indigné l’artiste Sam Mbendè.

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Eugène Dipanda, à Nkongsamba


Des larmes de son épouse, immanquablement. Mais aussi une sorte de tristesse et de déception déchiffrables sur les regards des avocats de la défense et des artistes présents à l’audience criminelle du Tribunal de grande instance (Tgi) du Moungo hier, mercredi 24 septembre 2008. Après plus de cinq mois de procédure judiciaire, Lambo Sandjo Pierre Roger, plus connu sous le pseudonyme de Lapiro de Mbanga, a été condamné à trois ans de prison ferme. Il a été reconnu coupable des crimes de "complicité de délit d’attroupement, de complicité d’obstacle à la voie publique, et de complicité de pillage en bande". L’artiste et non moins homme politique devra par ailleurs payer la rondelette somme de 280 millions de Fcfa au titre de dommages et intérêts que le Tgi du Moungo a accordés aux parties civiles ; soit 200 millions Fcfa pour la Société des plantations de Mbanga (Spm), et 80 millions Fcfa pour le Centre divisionnaire des impôts (Cdi) de Mbanga.

Avant d’en arriver là, le rendez-vous de Lapiro de Mbanga avec les juges hier, était d’abord consacré au délibéré du Tgi sur la culpabilité de l’accusé, tel que décidé au cours de la dernière audience tenue au mois d’août 2008. Ainsi, contrairement à l’acte d’accusation qui avait formulé un ensemble de six crimes imputés à l’artiste, le Tgi n’en a finalement retenu que trois. Lapiro de Mbanga a, en effet, été reconnu non coupable des délits de "complicité d’incendie volontaire, de complicité dégradation des biens publics ou classés, et de complicité de destruction des biens".

Chante
N’empêche. Par la voix du procureur Bifouna Ndongo, le ministère public a requis "une peine qui devrait servir de leçon" contre Lapiro de Mbanga. Pour l’infraction de complicité de pillage en bande, notamment, ce dernier a rappelé que la loi condamne de 10 à 20 ans d’emprisonnement ferme celui qui est reconnu coupable ou complice de ce délit. "L’artiste est tombé dans son propre piège. Il y a quelques années, il a chanté "No make erreur". Aujourd’hui, il faudrait peut-être qu’il chante "Plus jamais ça", afin que tout les casseurs retiennent la leçon", a ironisé le ministère public. Lequel, en fin de compte, a souhaité que le collège des juges prononce une peine minimale de 10 ans de prison ferme contre Lapiro de Mbanga, conformément à ce que prévoit la loi.

Mais avant ce réquisitoire, un nouvel acteur est entré en jeu en qualité de partie civile. Il s’agit du Cdi de Mbanga, qui a délégué un de ses représentants à l’audience d’hier, pour venir demander une réparation de 80 millions Fcfa représentant, selon le mandataire, le préjudice matériel subi au cours des émeutes de février dernier. Et le ministère public ne s’est d’ailleurs pas fait prier, malgré la contestation de cette "constitution tardive, au moment où les débats ont été clos" selon la défense, pour soutenir la demande formulée par le centre des Impôts de Mbanga. De même que le procureur a jugé recevable la demande de 1 milliard Fcfa émise par la Spm lors de l’audience d’août.
Une imposture, de l’avis des avocats de la défense, qui ont soutenu que la Spm n’a jamais formellement porté plainte contre Lapiro de Mbanga ; que cette société s’était déjà constituée partie civile dans d’autres procédures concernant les émeutes de février ; et que, en conséquence, leur accorder pareille somme serait assimilable à un "enrichissement sans cause". Pour ce qui est de la demande du Cdi de Mbanga, Me Augustin Mbami et ses confrères ont estimé que c’est le ministère des Finances, en tant que tutelle des Impôts, qui devrait manifester l’envie d’obtenir réparation d’un éventuel préjudice subi, et non le Cdi, qui, de leur avis, n’en a pas qualité.

Sam Mbende
Concernant la peine à infliger à leur client, les avocats de la défense ont globalement plaidé les circonstances atténuantes en faveur de Lapiro de Mbanga. "A 51 ans, notre client a un casier judiciaire vierge", ont-ils notamment argumenté. "Compte tenu du contexte dans lequel notre client est poursuivi, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une affaire politique. Certaines personnes semblent avoir intérêt à salir Lapiro de Mbanga afin qu’il ne puisse plus jamais rien entreprendre dans le domaine politique", a par ailleurs relevé Me René Manfo.
Pour Me Augustin Mbami, "Les principaux auteurs des émeutes ont été condamnés en matière correctionnelle par le Tribunal de première instance de Mbanga. D’où vient-il donc que le complice présumé, lui, soit plutôt poursuivi en matière criminelle au Tgi du Moungo ? En plus, ces vrais criminels ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Pourquoi devrait-on donc châtier le complice présumé plus durement que le principal accusé ; alors que la loi prévoit que ce dernier soit, au plus, puni de la même peine ?", s’est-il interrogé.

Des arguments qui, au regard du verdict rendu, ne semblent pas avoir véritablement convaincu le tribunal. Quoique, comme l’a affirmé le juge, Lapiro de Mbanga a bénéficié de "larges circonstances atténuantes". Ce qui, à l’observation, ne semble guère persuader les artistes présents à Nkongsamba. "Les charges qui ont été retenues contre Lapiro de Mbanga ne sont pas assez claires. Mais nous sommes obligés de respecter la décision du juge, même s’il faudra aussitôt interjeter appel et, pourquoi pas, épuiser toutes les voies de recours. Parce que ce jugement est très sévère. On ne peut pas faire appel à un pompier pour qu’il vienne en aide à la maison du voisin qui brûle, et que ce dernier essaye d’éteindre le feu sur deux ou trois chambres pendant que le reste de la maison brûle ; et qu’en fin de compte, on fasse de lui le pyromane. J’ose croire qu’il ne s’agit pas d’un procès politique…", s’est notamment indigné l’artiste Sam Mbendè.

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Hier à Nkongsamba, le Tgi du Moungo a également condamné l’artiste à payer 280 millions de dommages intérêts.
Eugène Dipanda, à Nkongsamba


Des larmes de son épouse, immanquablement. Mais aussi une sorte de tristesse et de déception déchiffrables sur les regards des avocats de la défense et des artistes présents à l’audience criminelle du Tribunal de grande instance (Tgi) du Moungo hier, mercredi 24 septembre 2008. Après plus de cinq mois de procédure judiciaire, Lambo Sandjo Pierre Roger, plus connu sous le pseudonyme de Lapiro de Mbanga, a été condamné à trois ans de prison ferme. Il a été reconnu coupable des crimes de "complicité de délit d’attroupement, de complicité d’obstacle à la voie publique, et de complicité de pillage en bande". L’artiste et non moins homme politique devra par ailleurs payer la rondelette somme de 280 millions de Fcfa au titre de dommages et intérêts que le Tgi du Moungo a accordés aux parties civiles ; soit 200 millions Fcfa pour la Société des plantations de Mbanga (Spm), et 80 millions Fcfa pour le Centre divisionnaire des impôts (Cdi) de Mbanga.

Avant d’en arriver là, le rendez-vous de Lapiro de Mbanga avec les juges hier, était d’abord consacré au délibéré du Tgi sur la culpabilité de l’accusé, tel que décidé au cours de la dernière audience tenue au mois d’août 2008. Ainsi, contrairement à l’acte d’accusation qui avait formulé un ensemble de six crimes imputés à l’artiste, le Tgi n’en a finalement retenu que trois. Lapiro de Mbanga a, en effet, été reconnu non coupable des délits de "complicité d’incendie volontaire, de complicité dégradation des biens publics ou classés, et de complicité de destruction des biens".

Chante
N’empêche. Par la voix du procureur Bifouna Ndongo, le ministère public a requis "une peine qui devrait servir de leçon" contre Lapiro de Mbanga. Pour l’infraction de complicité de pillage en bande, notamment, ce dernier a rappelé que la loi condamne de 10 à 20 ans d’emprisonnement ferme celui qui est reconnu coupable ou complice de ce délit. "L’artiste est tombé dans son propre piège. Il y a quelques années, il a chanté "No make erreur". Aujourd’hui, il faudrait peut-être qu’il chante "Plus jamais ça", afin que tout les casseurs retiennent la leçon", a ironisé le ministère public. Lequel, en fin de compte, a souhaité que le collège des juges prononce une peine minimale de 10 ans de prison ferme contre Lapiro de Mbanga, conformément à ce que prévoit la loi.

Mais avant ce réquisitoire, un nouvel acteur est entré en jeu en qualité de partie civile. Il s’agit du Cdi de Mbanga, qui a délégué un de ses représentants à l’audience d’hier, pour venir demander une réparation de 80 millions Fcfa représentant, selon le mandataire, le préjudice matériel subi au cours des émeutes de février dernier. Et le ministère public ne s’est d’ailleurs pas fait prier, malgré la contestation de cette "constitution tardive, au moment où les débats ont été clos" selon la défense, pour soutenir la demande formulée par le centre des Impôts de Mbanga. De même que le procureur a jugé recevable la demande de 1 milliard Fcfa émise par la Spm lors de l’audience d’août.
Une imposture, de l’avis des avocats de la défense, qui ont soutenu que la Spm n’a jamais formellement porté plainte contre Lapiro de Mbanga ; que cette société s’était déjà constituée partie civile dans d’autres procédures concernant les émeutes de février ; et que, en conséquence, leur accorder pareille somme serait assimilable à un "enrichissement sans cause". Pour ce qui est de la demande du Cdi de Mbanga, Me Augustin Mbami et ses confrères ont estimé que c’est le ministère des Finances, en tant que tutelle des Impôts, qui devrait manifester l’envie d’obtenir réparation d’un éventuel préjudice subi, et non le Cdi, qui, de leur avis, n’en a pas qualité.

Sam Mbende
Concernant la peine à infliger à leur client, les avocats de la défense ont globalement plaidé les circonstances atténuantes en faveur de Lapiro de Mbanga. "A 51 ans, notre client a un casier judiciaire vierge", ont-ils notamment argumenté. "Compte tenu du contexte dans lequel notre client est poursuivi, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une affaire politique. Certaines personnes semblent avoir intérêt à salir Lapiro de Mbanga afin qu’il ne puisse plus jamais rien entreprendre dans le domaine politique", a par ailleurs relevé Me René Manfo.
Pour Me Augustin Mbami, "Les principaux auteurs des émeutes ont été condamnés en matière correctionnelle par le Tribunal de première instance de Mbanga. D’où vient-il donc que le complice présumé, lui, soit plutôt poursuivi en matière criminelle au Tgi du Moungo ? En plus, ces vrais criminels ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Pourquoi devrait-on donc châtier le complice présumé plus durement que le principal accusé ; alors que la loi prévoit que ce dernier soit, au plus, puni de la même peine ?", s’est-il interrogé.

Des arguments qui, au regard du verdict rendu, ne semblent pas avoir véritablement convaincu le tribunal. Quoique, comme l’a affirmé le juge, Lapiro de Mbanga a bénéficié de "larges circonstances atténuantes". Ce qui, à l’observation, ne semble guère persuader les artistes présents à Nkongsamba. "Les charges qui ont été retenues contre Lapiro de Mbanga ne sont pas assez claires. Mais nous sommes obligés de respecter la décision du juge, même s’il faudra aussitôt interjeter appel et, pourquoi pas, épuiser toutes les voies de recours. Parce que ce jugement est très sévère. On ne peut pas faire appel à un pompier pour qu’il vienne en aide à la maison du voisin qui brûle, et que ce dernier essaye d’éteindre le feu sur deux ou trois chambres pendant que le reste de la maison brûle ; et qu’en fin de compte, on fasse de lui le pyromane. J’ose croire qu’il ne s’agit pas d’un procès politique…", s’est notamment indigné l’artiste Sam Mbendè.

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Hier à Nkongsamba, le Tgi du Moungo a également condamné l’artiste à payer 280 millions de dommages intérêts.
Eugène Dipanda, à Nkongsamba


Des larmes de son épouse, immanquablement. Mais aussi une sorte de tristesse et de déception déchiffrables sur les regards des avocats de la défense et des artistes présents à l’audience criminelle du Tribunal de grande instance (Tgi) du Moungo hier, mercredi 24 septembre 2008. Après plus de cinq mois de procédure judiciaire, Lambo Sandjo Pierre Roger, plus connu sous le pseudonyme de Lapiro de Mbanga, a été condamné à trois ans de prison ferme. Il a été reconnu coupable des crimes de "complicité de délit d’attroupement, de complicité d’obstacle à la voie publique, et de complicité de pillage en bande". L’artiste et non moins homme politique devra par ailleurs payer la rondelette somme de 280 millions de Fcfa au titre de dommages et intérêts que le Tgi du Moungo a accordés aux parties civiles ; soit 200 millions Fcfa pour la Société des plantations de Mbanga (Spm), et 80 millions Fcfa pour le Centre divisionnaire des impôts (Cdi) de Mbanga.

Avant d’en arriver là, le rendez-vous de Lapiro de Mbanga avec les juges hier, était d’abord consacré au délibéré du Tgi sur la culpabilité de l’accusé, tel que décidé au cours de la dernière audience tenue au mois d’août 2008. Ainsi, contrairement à l’acte d’accusation qui avait formulé un ensemble de six crimes imputés à l’artiste, le Tgi n’en a finalement retenu que trois. Lapiro de Mbanga a, en effet, été reconnu non coupable des délits de "complicité d’incendie volontaire, de complicité dégradation des biens publics ou classés, et de complicité de destruction des biens".

Chante
N’empêche. Par la voix du procureur Bifouna Ndongo, le ministère public a requis "une peine qui devrait servir de leçon" contre Lapiro de Mbanga. Pour l’infraction de complicité de pillage en bande, notamment, ce dernier a rappelé que la loi condamne de 10 à 20 ans d’emprisonnement ferme celui qui est reconnu coupable ou complice de ce délit. "L’artiste est tombé dans son propre piège. Il y a quelques années, il a chanté "No make erreur". Aujourd’hui, il faudrait peut-être qu’il chante "Plus jamais ça", afin que tout les casseurs retiennent la leçon", a ironisé le ministère public. Lequel, en fin de compte, a souhaité que le collège des juges prononce une peine minimale de 10 ans de prison ferme contre Lapiro de Mbanga, conformément à ce que prévoit la loi.

Mais avant ce réquisitoire, un nouvel acteur est entré en jeu en qualité de partie civile. Il s’agit du Cdi de Mbanga, qui a délégué un de ses représentants à l’audience d’hier, pour venir demander une réparation de 80 millions Fcfa représentant, selon le mandataire, le préjudice matériel subi au cours des émeutes de février dernier. Et le ministère public ne s’est d’ailleurs pas fait prier, malgré la contestation de cette "constitution tardive, au moment où les débats ont été clos" selon la défense, pour soutenir la demande formulée par le centre des Impôts de Mbanga. De même que le procureur a jugé recevable la demande de 1 milliard Fcfa émise par la Spm lors de l’audience d’août.
Une imposture, de l’avis des avocats de la défense, qui ont soutenu que la Spm n’a jamais formellement porté plainte contre Lapiro de Mbanga ; que cette société s’était déjà constituée partie civile dans d’autres procédures concernant les émeutes de février ; et que, en conséquence, leur accorder pareille somme serait assimilable à un "enrichissement sans cause". Pour ce qui est de la demande du Cdi de Mbanga, Me Augustin Mbami et ses confrères ont estimé que c’est le ministère des Finances, en tant que tutelle des Impôts, qui devrait manifester l’envie d’obtenir réparation d’un éventuel préjudice subi, et non le Cdi, qui, de leur avis, n’en a pas qualité.

Sam Mbende
Concernant la peine à infliger à leur client, les avocats de la défense ont globalement plaidé les circonstances atténuantes en faveur de Lapiro de Mbanga. "A 51 ans, notre client a un casier judiciaire vierge", ont-ils notamment argumenté. "Compte tenu du contexte dans lequel notre client est poursuivi, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une affaire politique. Certaines personnes semblent avoir intérêt à salir Lapiro de Mbanga afin qu’il ne puisse plus jamais rien entreprendre dans le domaine politique", a par ailleurs relevé Me René Manfo.
Pour Me Augustin Mbami, "Les principaux auteurs des émeutes ont été condamnés en matière correctionnelle par le Tribunal de première instance de Mbanga. D’où vient-il donc que le complice présumé, lui, soit plutôt poursuivi en matière criminelle au Tgi du Moungo ? En plus, ces vrais criminels ont été condamnés à 18 mois de prison ferme. Pourquoi devrait-on donc châtier le complice présumé plus durement que le principal accusé ; alors que la loi prévoit que ce dernier soit, au plus, puni de la même peine ?", s’est-il interrogé.

Des arguments qui, au regard du verdict rendu, ne semblent pas avoir véritablement convaincu le tribunal. Quoique, comme l’a affirmé le juge, Lapiro de Mbanga a bénéficié de "larges circonstances atténuantes". Ce qui, à l’observation, ne semble guère persuader les artistes présents à Nkongsamba. "Les charges qui ont été retenues contre Lapiro de Mbanga ne sont pas assez claires. Mais nous sommes obligés de respecter la décision du juge, même s’il faudra aussitôt interjeter appel et, pourquoi pas, épuiser toutes les voies de recours. Parce que ce jugement est très sévère. On ne peut pas faire appel à un pompier pour qu’il vienne en aide à la maison du voisin qui brûle, et que ce dernier essaye d’éteindre le feu sur deux ou trois chambres pendant que le reste de la maison brûle ; et qu’en fin de compte, on fasse de lui le pyromane. J’ose croire qu’il ne s’agit pas d’un procès politique…", s’est notamment indigné l’artiste Sam Mbendè.

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Musique : Les gloires et misères des artistes engagés

par

Longuè Longuè, Lapiro de Mbanga, Joe La Conscience… vivent l’enfer pour avoir pris position sur des problèmes de leur temps.
Eugène Dipanda –





Attendu chez le juge d’instruction mardi, 15 avril dernier, pour le début de son audition, Lambo Sandjo Pierre Roger, rebaptisé Lapiro de Mbanga, n’a finalement pas été extrait de la prison de Mbanga, où il est écroué depuis le 09 avril 2008. Officiellement, le célèbre auteur-compositeur, par ailleurs militant actif du Social Democratic Front (Sdf), est accusé d’être l’un des instigateurs des émeutes qui ont paralysé une partie du Cameroun en février. Dans l’opinion cependant, on a vite fait le rapprochement entre cette arrestation de l’artiste et la mise sur le marché d’un single intitulé "Constitution constipée", une chanson contre la révision constitutionnelle.

Chantée en deux versions, reggae et coupé-décalé, le texte de la chanson critique en effet la suppression de la limitation du nombre de mandats présidentiels dans la Loi fondamentale, qui permet au président Paul Biya, après deux septennats consécutifs, de briguer un nouveau suffrage. Sorti des bacs il y a quelques mois, l’album a fait des gorges chaudes dans les milieux du parti au pouvoir. Certains partis de l’opposition, eux, ont sauté sur l’opus pour en faire quasiment un hymne à leurs revendications. "Les bandits à col blanc veulent braquer la Constitution de mon pays. Les fossoyeurs de la République veulent mettre les lions en cage. Les poussins veulent échapper aux serres de l’épervier. Le peuple est harcelé et menacé d’une tentative de hold-up…", fredonne notamment l’artiste.

Malgré son succès populaire, la chanson, manifestement, n’est pas du goût des tenants du pouvoir. Au cours d’un spectacle organisé à Buea dans le cadre de la dernière ascension du Mont Cameroun, par exemple, la prestation de Lapiro de Mbanga a été interrompue sans façon, alors qu’il interprétait "Constitution constipée" devant des autorités de la République. Toujours très critique vis-à-vis du régime l’artiste avait déjà fait parler de lui en 1986 avec l’album "No Make erreur" et, plus tard, en 1989 avec le tube "Mimba Wi" (pense à nous), qui passent le régime Biya au crible. Mais à l’époque, le bâillonnement de Ndinga Man n’était pas allé jusqu’à la privation de sa liberté. Dans le contexte de la révision constitutionnelle pourtant, le poids de l’enjeu politique semble avoir poussé le pouvoir à changer de méthodes.

Prétextes fallacieux


Quelques semaines avant Lapiro de Mbanga, Joe De Vinci Kameni, alias Joe la Conscience, a lui aussi été envoyé en prison sous de prétextes jugés fallacieux par certains. L’auteur de "Emmerdement constitutionnel" séjourne à la prison centrale de Yaoundé depuis le 05 mars 2008. Il a été condamné à six mois de prison ferme pour "Réunion et manifestation interdite", au terme d’un procès pour le moins expéditif. Mais, on sait que l’artiste avait engagé le 18 février 2008, une "longue marche pour la paix", qui partait de Loum pour Yaoundé, où il entendait remettre "à mains propres" au président de la République un mémorandum intitulé "50 bonnes raisons pour ne pas modifier la Constitution du Cameroun". Une initiative mal venue, à en croire l’attitude des autorités administratives et sécuritaires du département du Moungo, qui ont multiplié des intimidations contre Joe La Conscience.
Bravant l’interdiction du gouverneur du Littoral relative aux manifestations publiques, l’artiste a par ailleurs commis l’"imprudence" d’engager une grève de la faim devant l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé, pour revendiquer la réouverture de certains organes de presse frappés d’interdiction.

Avant l’incarcération de Joe La Conscience, Aya Patrick Lionel, son fils de onze ans, a été abattu par balle dans la journée du mercredi 27 février. Les émeutes battent alors leur plein dans le pays, et l’atelier de menuiserie de l’artiste ne sera pas épargné par les pilleurs…
Depuis le quartier 8 de la prison de Kondengui, Joe La Conscience a commis une lettre aux représentations diplomatiques le 09 avril dernier. "Le crime que l’on m’impute est d’avoir fait une marche à pied de Loum à Yaoundé et d’avoir amassé plus de 1000 signatures contre l’amendement de la Constitution par le président Biya. On m’accuse d’avoir fait un sit-in pacifique devant l’ambassade des États-Unis à Yaoundé afin d’exposer cette situation au monde. Voilà mon crime. Afin de sauver les jeunes qui, aujourd’hui, croupissent dans les centres de détention, je vous prie d’intercéder auprès du Président Biya dans le but d’obtenir au profit de la jeunesse, une grâce présidentielle à l’occasion de la fête nationale du 20 mai 2008", écrit-il notamment.

Opiniâtreté

Selon toute vraisemblance, en tout cas, le confinement dans lequel le pouvoir voudrait contraindre certains artistes engagés est loin de les faire changer de conviction. "Le libérateur" Longuè Longuè ne continue-t-il pas de surfer sur la vague de son succès populaire malgré l’interdiction dont fait l’objet son dernier album sur les antennes de la radio et de la télévision nationales depuis le 31 janvier 2008 ? Le titre "50 ans au pouvoir" contenu dans l’album "Le libérateur libéré" (Juin 2006), est en effet apparu à certains zélateurs du pouvoir Rdpc, comme une provocation de trop de la part de cet artiste. Déjà auteur de "Ayo Africa" et "Privatisations", entre autres tubes chargés de critiques contre les gouvernants camerounais, Longuè Longuè a simplement poursuivi dans sa logique.

Dans "50 ans au pouvoir", en effet, Longuè Longuè passe pour la voix des sans voix. "Détourner les fonds publics, truquer les élections, épargner à l’étranger, changer la Constitution… c’est cela la maladie de l’Afrique. Ils (les dirigeants africains) nous gèrent comme du bétail…", chante-t-il. Et "Le libérateur" de mettre en garde tous les dirigeants de son pays, contre un éventuel changement de Constitution : "Essayez et vous verrez que nous ne sommes pas Togolais, Burundais ou Congolais…". Une tempête dans un verre d’eau, finalement. L’Assemblée nationale a "validé" le pouvoir à vie. Mais, malgré leurs nombreuses déconvenues, les artistes ont-ils pour autant baissé la garde ?

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